Chapitre 3

236 27 2
                                    


     Sandro gravit l'escalier qui menait à sa soupente plus rapidement qu'il ne le faisait à l'accoutumée. Pour un observateur peu attentif, il conservait la démarche lente et quelque peu dédaigneuse d'un prince impudique, indifférent à son entourage. Il n'en accéléra pas moins l'impulsion de son talon pour mouvoir plus vite son pied alors qu'il atteignait la dernière marche.

     La perfection de sa plastique lui permettait de garder sa dignité et la tête haute malgré le simple drap qui le vêtait. Ce mois de juin se révélait heureusement suffisamment chaud pour qu'il pût jouer sans réserve de l'exposition de sa peau dépourvue de défauts et de la gracilité de ses membres. Sans pudeur étant un terme se rapprochant davantage de la vérité.

     Au quotidien, il aimait se promener nu dans l'atelier. Tout au moins lorsqu'il se trouvait seul avec l'homme auquel il louait ses services. À peine couvrait-il ce que la décence exigeait quand Martha pointait son nez pour réclamer quelques pièces pour aller au marché, ou s'informer si le maître avait des désirs particuliers pour le repas. La vieille femme en avait vu d'autres et elle se contentait généralement de hocher du chef d'un air indulgent dans sa direction.

     Sa beauté était une arme dont il avait appris à se servir. Une arme à double tranchant, mais une arme qui jouait le plus souvent en sa faveur. Essayer de conserver l'attention de Salvatore Gecatti par ce biais lui avait donc semblé naturel. Il admettait toutefois que compte tenu de sa situation, et de la raison de sa présence à Florence, son comportement était à la fois idiot et dangereux.

          Il se sentait d'autant plus stupide que ses provocations demeuraient parfaitement sans effet. Jusque-là, elles n'avaient servi qu'à séduire des tiers, tel ce Silvio, dont les commentaires salaces finissaient par l'irriter. Cet importun n'avait pas la moindre idée de ce qu'il tentait vraiment d'initier avec le peintre. Pour son malheur, ce dernier paraissait être l'une des rares personnes à ne rien désirer de lui, au-delà de l'image de son corps qu'il exécutait sur sa toile.

     L'esprit accaparé par son échec, Sandro disparut à la vue des deux hommes avec un sentiment de soulagement mâtiné de tristesse. Comment le destin pouvait-il se montrer aussi cruel envers lui après les épreuves qu'il avait déjà traversées ? Abandonnant la rigidité de sa posture, il poussa la porte de sa chambre. Un souffle douloureux lui échappa alors qu'il refermait le battant derrière lui. Il se sentait comme un enfant qui se réfugie en lieu sûr pour fuir un châtiment non mérité.

     Le plancher de bois était épais et les voix du peintre et du sculpteur ne lui parvenaient plus qu'étouffées. Ravalant un nouveau soupir, il avança davantage dans la pièce pour ne plus entendre distinctement leurs dires. Ce n'était pas la première fois que l'ami de maître Gecatti tenait ce genre de propos. Lui ou un autre, il s'y était habitué et cela ne le faisait plus rougir. Il aurait simplement aimé que...

     Non ! il ne devait plus songer à cela. Il avait honteusement profité de la situation pour s'incruster ici, au mépris de toutes les règles de prudence qu'il avait juré de respecter avant de quitter son pays. À présent, il devait assumer sa faiblesse et si possible faire en sorte qu'elle ne nuisît pas à l'accomplissement de sa mission.

     Lâchant le drap enroulé autour de ses hanches, il saisit les vêtements déposés sur l'unique tabouret pour s'habiller. Ils se composaient de peu de choses : une chemise, des chausses, un pourpoint brun élimé et une paire de souliers à la semelle usée jusqu'à la corde. Des habits de rechange pour les jours de lessive et un mantel de gros drap à larges manches complétaient sa garde-robe. Le tout soigneusement plié au fond du coffre en bois situé sous la lucarne étroite qui lui dispensait un peu de lumière

L'Ange de Nyckosजहाँ कहानियाँ रहती हैं। अभी खोजें