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— J'ai un petit problème à régler, lance tout à coup Loïc à la ronde après avoir consulté son smartphone.

Il reporte son regard sur moi, et semble hésiter un instant avant d'ajouter.

— Je n'en ai pas pour longtemps.

C'est un peu comme s'il est réticent à m'abandonner avec eux. Il sait que je suis d'un naturel introverti et que je n'aime pas particulièrement me trouver avec une bande d'inconnus. Mais Guillaume, lui n'en est pas un.

Après un dernier mot d'excuse vers Axelle, Loïc quitte le carré VIP à grandes enjambées souples. Je le suis des yeux tandis qu'il s'adresse brièvement au serveur avant de prendre l'escalier.

Le bras de Guillaume se resserre autour de mes épaules. Pensant qu'il cherche à attirer mon attention, je lève la tête vers lui. Il regarde droit devant lui. Je pivote pour constater qu'Axelle et ses amis nous scrutent eux aussi. Leur attitude est si hostile que j'en éprouve un vague sentiment de malaise.

Je sens que je ne vais pas apprécier ce qui va suivre...

Une des filles prend la parole.

— Tu savais qu'ils se connaissaient ? interroge-t-elle Axelle, tout en nous désignant du menton comme si nous n'étions pas là.

Et en quoi ça la concernerait ?

— Non, réplique-t-elle sèchement en me jetant un regard mauvais. Je n'aurais même jamais cru qu'elle était son type.

Grrr... Ça veut dire quoi ça ? Que je suis une cruchasse de première ?

— Vous vous êtes rencontrés comment, vous deux ? nous questionne une autre.

Son air de ne pas y toucher me donne une furieuse envie de lui crêper le chignon.

— À une AG, répond tranquillement Guillaume.

— Toi, à une AG ? pouffe bêtement Axelle avant de braquer ses prunelles noisette sur moi. Quant à toi, je me demande bien ce que tu pouvais y faire ?

— M'y informer, peut-être ? rétorqué-je, d'un ton léger.

La vérité, c'est que je n'aurais jamais imaginé un jour aller à une AG pendant les grèves. Je m'étais toujours consciencieusement tenue éloignée de toute activité qui ait de près ou de loin rapport avec la politique. Tout ce qui comptait pour moi, c'était mes études. Aujourd'hui, je pense que ç'a une influence sur notre existence qu'on le veuille ou non.

— Pourquoi j'ai du mal à croire que tu as participé à un mouvement contestataire ? raille-t-elle encore. En bonne petite fifille, j'étais certaine que tu étais plutôt du genre à faire les courses pour les papis et mamies.

Mis à part Guillaume, toute la bande part comme un seul homme d'un rire moqueur.

Je tique. Je fais effectivement partie d'une association de quartier qui offre de menus services aux personnes âgées. Loïc lui en aurait-il parlé ? Si c'est le cas, je ne suis pas près de lui pardonner ça. Qu'a-t-il besoin de discuter de moi, de ma vie privée, avec ses copines ? Que lui a-t-il raconté d'autre ?

— Les deux sont incompatibles ? parviens-je à dire tranquillement. Et d'ailleurs, pourquoi n'y serais-je pas allée à cette AG ? Ça me concerne, non ?

Je suis contente d'avoir pu adopter un ton détaché teinté de dérision. Il faut croire que finalement mon statut de souffre-douleur durant mes années lycée m'aura au moins appris à présenter une apparence d'impassibilité face à ce genre de situations.

Pour le coup, ils ont cessé de ricaner.

— C'est ce que j'aime chez elle, lance Guillaume avec humour. Solène est toujours pleine de surprises.

The LabWhere stories live. Discover now