1.1

6.1K 238 1
                                    


Marseille, vendredi, 19 h 46...

Tout en promenant un regard sceptique sur mon reflet dans le miroir du dressing, je lisse machinalement le tissu de ma robe. Courte, toute simple, elle moule ma silhouette jusqu'à la taille avant de s'évaser. Quelques sequins et un profond décolleté au dos en font toute l'originalité.

Ce soir, je me suis contentée de souligner mes yeux chocolat d'un maquillage charbonneux. Mais là, maintenant, j'ai des doutes. N'est-ce pas un peu trop appuyé ? Bof. On remarque un peu moins ma bouche. Je l'ai toujours trouvée bien trop grande.

Qui peut se dire pleinement satisfait de son apparence, franchement ?

Certainement pas moi. J'ai une liste interminable de petits trucs que j'aurais adoré changer. À commencer par ma taille, par exemple. Combien de fois m'a-t-on traitée de « grande gigue » à l'école ?

Une nuée d'autres interrogations bien moins terre à terre se presse tout à coup dans mon esprit. Est-ce que c'est une bonne idée, finalement ? Relever ce défi est-ce réellement ce que je désire ? Pourrais-je seulement aller jusqu'au bout ?

Tout ça ne me ressemble tellement pas...

Mais à quoi bon ressasser ? Toutes ces questions, je me les suis déjà posées. Ces dernières semaines, je n'ai même fait que ça. Ruminer. Et déprimer. J'étais au trente-sixième dessous. Mais dans ces circonstances, à moins d'avoir un cœur de pierre, comment ne pas en passer par là ?

Si seulement j'avais été moins aveugle...

Un mélange de colère et de chagrin me submerge soudain et me fait monter les larmes aux yeux.

Pourquoi repenser à lui maintenant ?

Je presse fortement les paupières et respire un grand coup pour m'aider à réprimer ses émotions indésirables. Il ne vaut vraiment pas la peine que je me mette dans des états pareils.

La seconde d'après, ayant recouvré mon sang-froid, j'envoie une grimace à mon image dans la glace.

Pas trop mal...

Non. Finalement, il manque un petit quelque chose à ma panoplie. Des deux mains, j'ébouriffe énergiquement ma chevelure brune avant de relever la tête. Mon carré mi-long est tout de suite bien moins sage.

Ça fera bien l'affaire !

Le bip de mon smartphone qui retentit fait tressauter mon cœur.

Et si c'était lui ?

Mais, non. C'est eux. Forcément. Décidément, j'ai les nerfs à fleur de peau.

Je fonce récupérer l'appareil sur le lit. C'est bien un message de Cassandra.

[On est là dans dix minutes. ;-)]

Mes doigts courent sur le mini clavier.

[Parfait. À tout. :-)]

Je délaisse le téléphone sur le matelas.

Après en avoir vaporisé une touche en l'air, j'entre dans le nuage de mon parfum préféré. Une fragrance fraîche et légère. C'est une création spéciale d'un grand parfumeur. Il a une signification toute particulière pour moi. J'ai reçu mon premier flacon pour mes dix-huit ans. C'était le dernier cadeau de ma mère. Quelques mois plus tard, un cancer foudroyant l'emportait. Nous avions à peine eu le temps de réaliser la gravité de sa maladie, mon père, mes frères et moi, qu'elle nous avait déjà quittés.

Ma gorge se serre. Comme chaque fois que je repense à elle.

C'était il y a quatre ans, mais la tristesse est là. Toujours latente. Je crois qu'on ne se remet jamais tout à fait de la perte d'un être cher. C'est d'autant plus difficile lorsqu'elle est si soudaine et brutale. Elle a laissé un vide énorme dans ma vie. Nous étions très proches l'une de l'autre. Elle avait tendance à être protectrice avec moi, mais je savais que je pouvais sans hésiter lui parler de tout.

The LabDonde viven las historias. Descúbrelo ahora