Maureen

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Il existe une tradition, une coutume ancestrale plus vieille encore que les terres sur lesquelles nous marchons. Un rituel par lequel sont passées des millier de jeunes filles à travers les âges, plus ou moins à contrecoeur. Toutes les princesses s'y sont un jour soustraites, et c'est en partie grâce à cette épreuve qu'elles sont désormais Reines.

Du moins, c'est ce que Maureen a toujours entendu raconter, et la perspective ne lui a jamais vraiment trop plu.

Mais elle était obligée de s'y résoudre.

Parce que Maureen est une princesse, et qu'une princesse ça doit suivre le protocole.

Alors, le jour de ses dix-sept ans, comme le veut la tradition, on l'a amenée dans le château familial, seule, avec pour compagnie le vieux dragon aux écailles roses, Stew, qui a veillé sur tous ses aïeux.

Ses parents et son petit frère lui ont fait leurs adieux, puis ils l'ont laissée là, assise sur son lit, avec pour seul projet d'attendre.
Attendre qu'un chevalier entende parler d'elle, et vienne la délivrer de sa prison qui n'en est pas une.

Au début, elle était enthousiaste.

Puis très vite, elle a commencé à l'être moins. Les journées paraissaient plus longues, les nuits éternelles et le temps figé.

Elle avait fait le tour du palais au moins une dizaine de fois, cassé trente vases et dérapé en simples bas sur le parquet ciré sans que personne ne la réprimande. Elle avait dessiné sur les murs, décroché toutes les peintures poussiéreuses pour les remplacer par les siennes, puis nettoyé et remis dans l'ordre le château parce qu'elle culpabilisait.

En trois mois, elle avait fait tout ce qu'on lui avait toujours interdit de faire, avait compris pourquoi, et s'en était lassée. En trois mois, elle avait commis tous les pires forfaits et trouvé une solution pour les réparer.

Et maintenant, elle s'ennuyait.
Et toujours pas le moindre petit signe d'un heaume à l'horizon !

Alors un matin, quand l'histoire d'Hildegarde, une amie de sa mère qui avait attendu trois ans dans son château, lui était revenue en mémoire, Maureen décida qu'elle s'ennuyait trop.

Elle natta ses cheveux couleur miel, enfila la plus simple de ses robes de dessous, noua rapidement une ceinture de cuir où pendait une bourse remplie autour de sa taille, chipa des provisions dans la cuisine, et, fébrile, attendit la nuit.

Lorsque les étoiles furent brillantes et que la lune éclaira assez l'extérieur pour que l'on puisse y voir, Maureen se leva de son lit. En catimini, elle entra dans les écuries, attrapa son palefroi puisqu'elle ne possédait pas de destrier, et le chargea de tous les vêtements qu'elle pouvait mettre, n'omettant pas la nourriture et l'eau. Elle contourna Stew, habilement, par l'arrière où passaient les domestiques.

Puis, aux alentours de trois heures du matin, au milieu de nulle part, elle enfourcha le cheval, et piqua un galop dans la lande.
Ses cheveux se défirent, elle tressauta sur selle, déséquilibrée par le poids de ses bagages, et ses bas se déchirèrent, mais elle laissa tout de même échapper un rire.

Maureen, c'était peut être une princesse, mais c'était surtout une femme de la lande, et elle avait le tempérament forgé par le climat de son pays. Douce comme le soleil qui perçait à travers les nuages, forte comme le roc qui résistait aux assauts de la pluie.

Libre et insouciante comme le vent qui hurlait les soirs d'orage.

Juste vivante.

Juste vivante

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Fearless KnightWhere stories live. Discover now