Chapitre Huit

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Le soleil pointait au-dessus des maisons, inondant le village de son intense éclat. Les mésanges zinzinulaient, excitées par le beau temps de la montagne. Tapis sur les toits de pailles, les lézards se préparaient à se prélasser au soleil. Habillés de leurs longues tuniques aux motifs simples, les montagnards, des Yamakes, sortaient de leurs maisons de bois et de paille, prêt à commencer cette paisible journée de printemps. Paisible, du moins en apparence.

Comme chaque mois, Saruku se rendait au village pour apporter sa bénédiction habituelle. Le religieux, ermite vivant dans la forêt, se déplaçait jusqu'au village Yamake, non seulement pour apporter chance et prospérité à ce village, mais aussi pour enseigner la religion aux jeunes enfants. Saruku n'aimait guère les hommes. Il ne se sentait bien qu'isolé dans sa forêt, entouré d'oiseaux, d'insectes et de renards, chérissant chaque plante et protégeant chaque animal. Seul, il avait alors l'occasion de se plonger corps et âme dans la méditation et pouvait honorer les dieux cachés dans chaque recoin de la forêt. Cette envie de s'isoler ne s'expliquait pas seulement pour la paix et la tranquillité mais aussi car l'homme souhaitait par-dessus tout ne plus avoir affaire au terrible monde des hommes.

Malgré cela, il venait chaque mois apporter ses connaissances aux jeunes enfants du village Yamake pour leur enseigner l'amour qu'il faut avoir sur la nature et pour montrer à quel point elle doit être préservée. Les Yamakes, peuples de la montagne, étaient sans doute les plus aptes de l'empire de Batosai à recevoir les enseignements du moine car ils étaient eux aussi proche de la nature et leur religion tout autant. Ce travail mensuel lui permettait de récupérer quelques produits des Yamakes qu'il ne pouvait cultiver dans sa forêt.

Saruku était un homme d'une trentaine d'années à peine, de longs cheveux lisses et sales encadrant un visage barbu. Sa démarche était particulière : il marchait légèrement courbé en avant, appuyé sur un bâton de bois. Habillé d'une tunique blanche salie par le temps, il avait une allure simiesque.

Ce matin-là, l'homme se rendait de son pas tranquille dans le petit village des montagnes, un imposant livre sous le bras, pour fournir ses enseignements. Il salua et bénit les villageois qu'il croisait sur la route, ne se doutant pas de ce qui l'attendait au sein même du village. Il voyait déjà au loin les maisons de bois se dessiner en contre-bas quand il croisa la doyenne du village. Le moine posa son livre à même le sol et se positionna devant la vieille femme. Il lui prit les mains et ferma les yeux. Habituée, la femme se laissa faire, un sourire radieux sur son visage. L'homme récita quelques sutras de bénédiction avant de se courber devant elle pour la saluer et reprendre sa route après avoir repris son livre.

Il atteignit l'entrée du village et ne constata aucun problème. Des enfants turbulents jouaient à se poursuivre, manquant de renverser le moine sur leurs passages. Il les réprimanda gentiment et rappela que son cours allait bientôt commencer.

-Vous ne voudriez pas manquer mes enseignements, les enfants.

Puis il pénétra entre les maisons sur le sol encore boueux. Longeant quelques allées, il se retrouva sur la place du village, un cercle formé par les maisons dont un puit se dressait en son centre. Quelle fut sa surprise quand il aperçut des hommes qui n'avaient définitivement pas l'allure de Yamake ! Leurs armures rutilantes composées de tatamis décorés de multiples perles trahissaient leurs rangs. Mais le plus visible était leurs casques légèrement évasés, décorés de dragons, typiques de la garde impériale. La scène que le moine eut sous les yeux lui déplu fortement. Les gardes, au nombre de trois, venaient de tabasser le père d'une famille de cinq enfants que Saruku connaissait bien. En pleure, la femme se tenait à quelques mètres de son mari meurtri et pleurait à chaudes larmes. Heureusement, les enfants ne semblaient pas présents. Saruku bomba le torse et s'approcha des hommes qui, ayant remarqué le moine, l'apostrophèrent.

Nameless EraWhere stories live. Discover now