Chapitre 7: Retour aux combats

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Nos yeux s'entrechoquaient plus que nos armes encore. Make, torse nu, semblait contempler mon âme. Je n'avais pas peur non, je savais qu'il n'allait pas me tuer. Même si, depuis quelques minutes, il aurait bien pu le faire. Je contracte mes muscles des bras et de mon torse, lui aussi nu. La sueur coule sur mes bras et retombent sur le pommeau de mon épée émoussée. Nous sommes tout deux en position d'épéistes. En garde, je crois qu'on appelle ça. Je suis bon à l'épée, je pense. Je me bat surtout sous ma forme animale mais j'aime maîtriser l'épée. C'est léger, tant mentalement que physiquement. Je regardai alors mon adversaire. Il portait un pantalon en toile assez large et ses muscles saillants se contractaient autant que son visage tiré par la concentration. Il semblait avoir des yeux perçants mais là ils n'avaient qu'un point de concentration, mes yeux. Sa barbe grise et blanche s'émoustillait et ses cheveux accrochés derrière son crâne s'agitaient à chaque mouvements. Quand soudain, il frappa, d'une taillade de son épée sur mon flanc droit. Ce geste fit taire le jardin qui avait reccomencé à piailler pendant notre courte pause. Je bloquai de mon épée. Il relança une attaque sur le flanc gauche, sans s'attarder à droite. Je bloquai avec plus de peine. Il était sacrément rapide. Il recula, reposa ses pieds qui étaient sur les pointes puis d'un coup, en se cambrant légèrement, il lança une estocade, destinée à toucher l'abdomen. Je dérivai son coup et sa main déviée sur le côté droit, relanca une attaque au même endroit que sa première. Le flanc droit. Je me baissai, me mit ventre à terre. Sa lame passa au dessus de moi. Une seconde trop tard et mes côtes étaient brisées. Je me retournai, dos sur le sol et d'un coup de pied bien placé, je lui fit lâcher son épée en visant le pommeau. Ca y est, j'avais gagné l'échange. Quelle erreur. Il attrapa de son bras gauche ma jambe levée, me leva du sol et me lança comme si j'étais un simple panier de course, vers le fond du jardin. Je dérapai quelques secondes sur le sol terreux et je me relevai, péniblement puis le regardai. Il avait un grand sourire sarcastique aux lèvres et était à bout de souffle. 

"Tu t'y attendais pas à celle là le bleu hein?!" S'exclama-t-il d'une voix tonitruante. Je me relevai péniblement et me remit face à lui. Il me tendit la main et je l'empoigna. Il me regardait toujours, le sourire aux lèvres. Nous nous regardâmes, dans les blancs des yeux. Il cracha au sol un mollard puis dit d'un ton plein de défi: "Passons à l'exercice pratique cette fois. Toi, contre moi, un contre un. Ici et maintenant. Je veux tout ton potentiel le bleu." Une lueur saphire brillait dans ses yeux bleus. Voilà quelques heures que nous nous battions et il cherchait seulement maintenant la confrontation. Je ravalai ma salive et ma couardise et acceptai le défi. 

Le temps se mit à s'arrêter. Je me met sur mes appuis. Lui, muni de son énorme marteau, se poste face à moi. Aucune faille. Ou plutôt. Que des angles morts. Sa position, le marteau en arrière, était loin d'être grâcieuse contrairement à sa garde d'épéiste. Il fléchit ses jambes. Je serre le manche de mon épée, une véritable épée. Pas emoussée, une vraie. Ce fut un coup sec. Le marteau était parti vers la gauche comme une execution parfaite de tennisman. Une tête visée, qui aurait pu partir à des kilomètres, arrachée, si je ne m'était pas baissé à temps. Impossible de parer. Absolument impossible. L'air fut propulsé. D'un coup de pied, je visai l'avant bras droit, parti dans le prolongement de son coup. Il ne broncha pas à un seul moment et continua son coup droit. Il leva son énorme marteau et, dans une formidable contraction de tous ses muscles, frappa vers le sol, comme ses automates qui sonnent les cloches ou ses mineurs qui piochent la veine. Là, tout était différent. Dans un mouvement apportant la mort, il frappa. Ma tête effleurait le bord du marteau lorsque je me décalai sur la gauche. Cependant, le marteau esquivé, la terre était devenue ma seconde ennemie. Son coup fit exploser le seul dans une déflagration si soufflante que je volai au loin. Rapidement mais péniblement, je me relevai et foncai vers lui pendant que son marteau était encore fiché dans le sol. Il me jeta un regard, souriant. Ce qu'il vivait semblait être génial. Je brandis mon épée vers le ciel, pour frapper verticalement. Une attaque bourrine, qui aurait dûe suffire. Aurait dûe. 

Make lâcha sa masse, prit appui sur son pied gauche et d'un coup de pied retourné, comme on pourrait le voir au kung-fu, brisa ma lame. Ma seule défense. Ma seule attaque. Je ne voulais pas l'utiliser. Non. Je ne voulais pas. Pas lui. Pas encore. Mais il m'y contraint. J'étais à terre. Le visage dans l'herbe. Il voulait me pousser à mes derniers retranchements. Il brandit sa masse au dessus de moi. J'étais l'épée, il était le forgeron. Il était celui qui voulait se faire entendre. J'étais le gong. Mon corps se fléchit, dans cette position de la tête entre les genoux. Sans m'en rendre compte, subrepticement, ma main gauche pressa la pierre sur le dos de ma main droite. Mon corps commenca à irradier.

J'étais devenu une bête.

La bête. 

Ce monstre.

Crie.

Douleur.

Force.

Mort. 

D'un coup de patte puissant et rapide, je frappai Make, le faisant tournoyer dans un bain de sang. Il se releva, je fut soulagé. Mais ma bête en mon coeur avait pris possession de moi. Et elle criait vengeance. Je la sentai. Make se posa sur ses appuis, abandonna sa masse. Il tendit sa main face à moi, dos vers le bas, comme pour me demander de venir avec ses doigts. Il tourna sa main, tendit les doigts, comme pour attraper une chose devant lui. Ses muscles se raidirent. Je le regardai, héberlué. Il ferma soudain les mains et je sentis le sol vibrer tout autour de moi. Mes sens étaient tous secoués par cette espèce de tremblement de terre. Soudain, il avança son pied gauche et dans l'air, frappa du poing gauche. Sans rien, ce coup de poing était dérisoire, ne visant personne. Mais là. C'était Make. Du sol, sortit alors un énorme poing, similaire à celui de Make, mais fait de terre. Prit par surprise, je me pris le coup de plein fouet dans l'abdomen, le coup me fit reculer de quelques pas. La bête criait de rage. Dans un cri sourd, aïgu comme grave, il m'arracha les oreilles et lança son bras droit en arrière, prêt à frapper. Make, de son côté, fit un pas en arrière. Utilisant cette magie qui lui faisait manier la terre, il prit une position guerrière, les jambes fléchies au niveau des genoux, formant un rectangle avec le sol. Il leva sa jambe gauche, comme pour ancrer celle-ci dans la terre. Il jeta son bras droit en arrière penchant légèrement son dos avec. La terre, comme attirée par son bras, épousa les contours de celui-ci, formant une sorte de bras géant. D'un coup, d'un même temps, nous frappâmes tout deux. Lui, souriait. Moi, souffrait. Horriblement. Mon corps me lancinait. Je n'avais plus aucun contrôle. Je ne sentais plus rien. La bête avait pris possession de moi. Encore et toujours. Dans un même mouvements, les deux poings se rapprochèrent, pour ne former qu'un, tel une fusion génésiaque. Make passait un moment génial. Je passais l'un des pire. Les deux poings se rapprochaient. 

Encore.

Encore. 

Plus qu'un espace infime. 

Les deux poings furent arrêtés d'un coup. Deux bras d'un même homme. Tout s'était calmé. Personne ne l'avait vu venir. Il avait glissé entre nos deux corps géants et avait crocheté nos deux poings, pour arrêter toute violence. Le poing de Make était redevenu humain et celui-ci regardait l'homme avec des yeux héberlués. Je n'étais pas redevenu humain, mais le bras arrêté, je repris petit à petit forme humaine. Le poul de ma créature s'était calmé, ma taille baissa, mes yeux se rapprochèrent du sol et bientôt, ce fut ma main que l'homme tenait. Je le tenais dans un respect le plus profond. Il avait arrêté, à main nue, les deux attaques surpuissantes de deux titans. Cet homme qui semblait si maigre si... Faible. Monsieur Lulsk nous sourit. Il remit ses cheveux blonds en place après le vent soufflé par la puissance des coups tout comme son costume. tourna son visage enfantin et joyeux vers moi, comme si, la seule chose qu'il venait de faire, était simplement d'éternuer ou d'attraper un lézard sur de la roche. Il faisait irrél à côté du paysage morcelé par la maîtrise magique de Make. Il lâcha nos bras et me dit nonchallament: 

" Tu es attendu en salle d'étude pour remplir des papiers! "

Je le regardai. 

Incompréhensif. 

Perdu.

Soufflé. 



A suivre... 


Les mémoires d'un MonstreWhere stories live. Discover now