Déménagement

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Déménager, pour certains, c'est quelque chose de très dur, car déménager rime faiblement avec nouveauté. Nouvelle ville, nouveau lycée, nouveaux profs, nouveaux quartiers, nouveaux voisins et nouvelles habitudes. Sans oublier les nouveaux amis, mais la solitude étant mon seul camarade, ce détail m'importait peu.

Je m'appelle Alexia, j'avais 17 ans quand tout a commencé et je suis ce que l'on appelle une androgyne. Je portais souvent, et c'est toujours le cas, des vêtements "masculin", non pas parce que je veux ressembler à un mec, mais parce que je les préfère largement aux vêtements féminins, en fait je déteste tout ce qui est féminin. Je possédais de très courts cheveux d'un sombre brun en dégradé. Ils étaient certes coupés sur les côtés et derrière, mais pas au-dessus, ce qui m'offrait de belles mèches assez lisses qui m'aidait à cacher mes yeux bleus à cause desquels j'ai eu droit à certains compliments. Compliments dont j'avais horreur, car si je cachais mes yeux ce n'était pas pour faire un "style", mais pour une raison bien différente. Je ne suis ni petite, ni grande, juste de taille normale. J'avais une peau légèrement bronzée et une certaine musculature, faisant beaucoup de sport, dont des arts martiaux qui m'ont appris des valeurs importantes comme le respect et la discipline. Eh oui, pas très féminin tout ça, comme c'est dommage. Pour couronner le tout, sur ma joue gauche, je possède une petite cicatrice que j'ai depuis mon premier jour en maternelle, pourquoi ? Vous n'avez pas besoin de le savoir pour l'instant.

J'étais du genre loup solitaire. J'avais peu d'amis dans mon ancien lycée, deux filles et un garçon, et encore. C'était les seuls "amis" que j'avais jamais eu le reste de ma misérable vie d'avant, à part eux j'ai toujours été seule. Sauf avec une personne... qui ? Ça non plus vous n'avez pas à le savoir.

J'étais actuellement à l'arrière de la voiture, écoutant une playlist Spotify que j'avais préparée à l'avance qui durait environ tout le long du trajet jusqu'à mon nouveau lieu d'habitation. C'était comme un son d'arrière-plan. Mon regard vide était dirigé vers la fenêtre en me tenant le menton avec la paume de ma main, le coude sur la portière. On pouvait voir les gouttes de pluie couler rapidement sur la vitre gelée, faisant la course. Dehors, le ciel couvert de nuages gris foncé était sombre. Il faisait certes très froid, mais cela ne me dérangeait pas, pour la simple et bonne raison que je ne craignais pas trop la fraîcheur, et il en allait de même pour la chaleur. Mes cheveux cachaient un peu mes yeux, comme très souvent. Ça ne m'embêtait pas, au contraire, sauf pour...

   – Alexia, combien de fois je t'ai dit de ne pas cacher tes yeux avec tes cheveux !!

Vous vous demandez qui c'était ? Eh bien il s'agissait de la personne qui me servait de mère et qui était au volant, elle s'appelle Isabella. Elle possédait de longs cheveux blonds légèrement bouclés qui allaient jusqu'au milieu de son dos et des yeux verts. Elle avait une peau assez claire comparée à la mienne et malgré sa quarantaine, elle n'avait pratiquement aucune ride. Après sa remarque, je fis un léger mouvement de tête pour dégager un peu mes cheveux.

– Je préfère ça ! dit, ou plutôt cria ma mère avant de se re-concentrer sur la route peu visible.

Je ne dis rien, mais je soupirai un long moment d'agacement intérieurement. Les cris, les remarques et les reproches faisaient partie de mon quotidien, et pour moi ce n'était pas ce déménagement qui allait changer ça.

Cela faisait deux heures que ma mère et moi étions sur la route et il nous restait encore six heures, heureusement je suis du genre patiente. Vous demandez surement qui manque une autre figure paternelle à l'appelle, mais sil il ne répondait pas présent, c'était pour une très bonne raison. Mon père était un enfoiré. Son nom était Aeron Smith. Physiquement, il était imposant, assez grand et musclé, et il possédait de courts cheveux noirs légèrement rasés sur les côtés et des yeux bleus. Eh oui, les mêmes que les miens... et parfois j'avais envie de me les arracher quitte à devenir aveugle. À chaque fois que je me regardais dans la glace, et que je les regardais, je ne pensais qu'à ce sale type, je ne voyais que lui dans un reflet qui était censé être le mien. Combien de fois on m'avait répété que j'avais ses yeux, que je lui ressemblais, que j'étais une version "féminine" de lui... C'est pour ça que je me cachais souvent les yeux avec mes cheveux, mais je n'étais pas la seule à penser que c'était le roi des connards, du moins pas complètement.

C'était pour cette raison que l'on déménageait, mon père est un meurtrier, un criminel et un braqueur plus précisément. Il a tué des dizaines de personnes durant un braquage dans une banque, mais c'était loin d'être la petite à côté du supermarché, bien au contraire. C'était une des banques les plus connues et sécurisées d'Amérique, qui, d'ailleurs, n'avait jamais été cambriolée avant qu'il ne soit passé à l'action, lui et ses bras droits. Hélas, je n'étais très pas loin de la banque ce jour-là, j'avais à peu près vu ce qui s'était passé, l'horreur qu'il avait causé. J'avais découvert entre une et deux semaines plus tard qu'il était le coupable, et bien sûr, je l'ai dénoncé à la police, qui m'a grandement remercié, car ils bloquaient sur l'enquête étant donné qu'il avait apparemment fait du « Travail de pro ». Après plusieurs témoignages et un passage au tribunal, mon père a été envoyé dans une des prisons les plus sécurisées d'Amérique, il n'était pas près de sortir.

Nous ne déménagions pas seulement pour nous éloigner de ce psychopathe car il voulait ma mort après l'avoir dénoncé, mais pour se protéger des conséquences. Des gens ont été tués, et pour se venger de mon père, leurs proches pourraient s'en prendre à nous. Alors c'était mieux pour nous de partir, pour garantir notre sécurité, même si l'anonymat des témoins nous protégeait déjà. Cela dit, ça nous arrangeait pas mal, surtout ma mère qui voulait oublier tout ça. Tout ça lui avait fait un choc, d'apprendre que la personne qu'elle aimait plus que tout, n'était en réalité qu'un criminel, un meurtrier.

Aimer... s'il y avait bien une chose que vous devez savoir sur moi, c'est que je détestais l'amour. C'était à mes yeux l'une des choses les plus inutiles qui en plus nous fait souffrir, et ce qui s'était passé entre ma mère et mon enfoiré de père en était la preuve, mais honnêtement, qui n'a pas déjà été blessé par l'amour ? Qui n'a pas souffert à cause de l'amour ? Voilà, beaucoup de personnes, et qui sait, vous aussi. Moi l'amour m'a détruit, mais je n'allais pas refaire pas la même erreur.

Mon regard inexpressif était toujours fixé vers l'extérieur, mais avec les longues heures de trajet qui nous restaient, je décidai de faire une sieste. Même si, cela dit, dormir n'était pas la chose que je faisais le plus fréquemment. Je fermai doucement mes yeux en me laissant bercer par la musique dans mes écouteurs qui était plutôt douce, et je tombai dans les bras de Morphée, en me demandant comment allait être ma nouvelle vie. Seulement, je pense que j'aurais sûrement dû me demander quelle rencontre j'allais faire. Jamais je n'aurais imaginé, que ce déménagement allait être un si gros changement.

Messy Mind [LGBT] [FR]Where stories live. Discover now