Une fois devant la porte, un doute me prend. Qui me dit que ce sera bien elle ? N'importe qui pourrait se faire passer pour ma mère...

Si je commence à penser à ça, je suis perdue.

J'entre brusquement dans le café.

Laura.

Je l'identifie immédiatement.

Non pas parce qu'elle dégagerait un truc chimique qui ferait que je sentirais que c'est ma mère, non, tout simplement parce qu'elle est la seule dans le bar à fixer intensément la porte, en se tordant les mains et en rongeant les ongles avec une angoisse indescriptible.

Cette femme que j'ai si souvent tenté d'imaginer a donc les cheveux châtain clair, noués en queue-de-cheval qui souligne l'ovale de son visage, des yeux marron et les joues un peu creuses. Elle porte une chemise impeccable repassée, elle se tient très droite, comme si elle donnait tout ce qu''elle avait pour faire bonne impression.

Je m'approche d'elle. Elle lève les yeux vers moi, visiblement très tendue, mais un sourire passe sur son visage.

- Camila, articule-t-elle.

Je m'assois comme un automate. Je ne peux détourner les yeux de ce visage marqué, aux traits tirés. Ce qui accroche mon regard, ce sont surtout ses yeux, de la même couleur que les miens, et son nez, un peu petit et en trompette. Le mien est identique. Le doute n'est pas permis. C'est bien Laura qui est en face de moi.

Je savais que j'avais une autre mère, biologiquement parlant, mais ça a toujours été quelque chose de très abstrait pour moi. Plus jeune, j'avais même imaginé toutes sortes de scénarios qui expliqueraient l'absence de cette femme. Clonage, robot... C'est peut-être même de là que vient mon goût pour la SF.

Et là, tout de suite, j'ai vraiment l'impression de nager en pleine science-fiction.

- Merci d'être venue, Camila, bafouille-t-elle.

Ses yeux se posent sur le bracelet, et elle sourit. Moi, je me sens sombrer dans un vertige teinté de tristesse. La boucle est bouclée. Celle qui a donné ce bracelet pour moi, se trouve devant moi. J'ai soudain presque envie de le lui rendre, maintenant que je sais qu'elle existe.

- Je l'ai gardé pour me rappeler que je venais de quelque part... Certains jours, il me criait qu'on m'avait abandonné. Il me devenait insupportable et j'ai plusieurs fois hésité à m'en débarrasser.

Un air de grand désarroi passe sur son visage.

- Je t'ai laissée à ton père, Camila. Je savais qu'il t'élèverait avec amour, exactement comme il fallait. Tout ce que je ne pouvais pas t'offrir, il l'avait.

- A l'exception d'une chose, c'est ma mère, Sinuhé, qui m'a élevé, répliqué-je.

Un mouvement d'amertume monte en moi, comme si toutes mes questions, mes colères et mes frustrations d'enfant refaisaient surface. Je n'ai pas d'animosité à son égard, mais je veux comprendre.

- Je vais être honnête, soufflé-je. Si j'ai accepté de vous rencontrer, c'est parce que je veux des réponses. Je me suis posée trop de questions, enfant.

Je me rends compte que je suis très formelle avec elle, et même distante. Elle me sourit tristement. Ça me vient tout seul. Je me méfie encore, instinctivement. Je ne la connais pas, après tout. Pour moi, c'est une femme comme une autre, que j'aurais pu croiser dans les rues de New York sans me retourner, malgré les ressemblances physiques.

- Je vais tout t'expliquer, Camila, c'est pour cela que je suis ici.

- Et d'abord, pourquoi ressurgir maintenant ?

Apprends-moi/fan-fiction camrenWhere stories live. Discover now