Chapitre 27 : Grillés

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— Il est temps de faire dodo, nous avons un magnifique voyage à faire aux Bahamas, déclare l'un d'eux. Cette banque était un double jackpot.

J'entends mal ce qu'ils disent puisque des acouphènes me couvrent les oreilles. Ils versent de l'essence dans toute l'étable puis allument le feu sur un bout de paille.

— Regarde lentement les flammes consumer puis attends patiemment ton tour.

Ils sortent. Des larmes se mettent à inonder mon visage. Non, aucune larme. Ce n'était qu'une illusion. Pourquoi n'arrivé-je pas à pleurer, à me libérer ? Pourtant j'ai de plus en plus mal. La chaleur dans la pièce croit à une vitesse exponentielle. J'étouffe, j'ai chaud. Des quintes de toux me déchirent la gorge et de grosses gouttes de sueur barbouillent mon visage. Un énorme morceau de bois s'échoue au sol en face de moi, me faisant sursauter et pousser un cri assez lugubre. Je frotte la corde autour de mes poignets sur les rebords de la chaise, mais rien ne change. Je recule et recule pour rapprocher mes poignets du feu qui embrase rapidement les cordes sur lesquelles je tire. Elles se retrouvent au sol. Mes poignets sont sanglants et mes mains quasi brûlées. Je me détache, tremblante, les cordes autour de mes pieds avant de me lever. Mon corps barguigne à avancer, chancelant de temps en temps ; or mon esprit — pour une raison inconnue — me pousse à avancer. Je frappe la porte de mon pied puis y glisse mes mains à l'aveugle pour détruire le bois et défoncer la porte verrouillée. Ma vue est de plus en plus troublée, les toux se multiplient et bientôt, je me retrouve au sol chaud, ma respiration me lâchant peu à peu.

*

Mes poumons s'ouvrent trop rapidement avant qu'une longue bouffée d'air ne les remplisse. Ils brûlent comme s'ils étaient atteints d'une maladie de Raynaud pour poumons. C'est douloureux, atrocement douloureux et pénible. Je ne sens d'ailleurs plus mon corps. Lorsque mes yeux s'ouvrent enfin, je découvre Luc et Harry à mon chevet. Un puissant soulagement se saisit de moi. Je n'ai qu'une envie, sauter dans leurs bras. Je remercie intérieurement le Bon Dieu pour cette nouvelle chance. J'essaierai de mieux vivre dès à présent.

— Où suis-je ? bredouillé-je avec ce qui semble être mes dernières forces.

— À l'hôpital, tout ira bien maintenant, m'intime mon frère qui a l'air soulagé.

Je lève lentement mes mains qui sont bandées.

— Aliyah et Charly sont dehors, les médecins défendent qu'il y ait plus de deux personnes avec toi, m'explique-t-il.

— Et... Abdou ?

Ma voix est de plus en plus faible. Ils restent silencieux. Je refuse de croire à ce que ça signifie.

— Non...

— Et Abdou ? répété-je d'une voix émotive.

Des sanglots me brisent la gorge et tout d'un coup, l'air manque de nouveau dans mes poumons.

— Il n'a pas tenu, désolé.

— Non, non.

Pourtant je ne pleure pas, je n'y arrive pas. C'est trop dur. Abdou est mort... par ma faute. Il a voulu me protéger. Harry ne dit pas un mot, pas un seul.

— Je vous laisse tous les deux, m'intime Luc en posant un baiser sur mon front.

Lorsqu'il s'en va, Harry n'ose pas me regarder dans les yeux.

— Tu m'as manqué, murmuré-je. Abdou me manque aussi. Je n'aurais jamais dû, il n'aurait jamais dû me protéger...

Harry ne dit rien. Il reste silencieux. Trop silencieux. Il finit par sortir de la pièce sans un mot. Il n'était pas Harry, enfin il était comme... l'ancien Harry. Quelques minutes plus tard, Liyah et Charly viennent me voir. Je n'arrive plus à me concentrer sur le présent. Toutes mes idées convergent vers Harry et sa réaction. Peut-être est-il toujours sous le choc de la mort d'Abdou. Je n'arrive d'ailleurs toujours pas à y croire. Il est parti pour toujours. Cet homme aussi spécial, une personne aussi bonne. Et par ma faute. Liyah a vraiment l'air épuisée. Abdou était comme un frère pour elle, la nouvelle l'a sûrement anéantie. Abdou. Mort. Ça ne sonne pas, ce n'est pas logique, il était en pleine forme... Avant que je ne joue la superwoman.

Tentation en éditionWhere stories live. Discover now