Celui que j'étais ~Jarco~

Introduction

J'arpentais cette chambre froide de mes jambes folles et frêles, venant près m'affaisser sous mon propre poids. Cela doit être les résultats de la vieillesse... Chaque recoin de cette pièce me semble inconnu, hideux. Bientôt ce sera un autre bonhomme qui viendra prendre ma place ici, comme si je n'avais jamais existé. Je ne suis pas fou. Je sais que si je suis là, c'est juste en attendant de mourir. On ne veut plus de moi dans cette société, voilà tout.

Je déteste me sentir faible, qu'on me traite comme si j'étais incapable de ne rien faire. On m'a mis ici, car ils disaient que je ne pouvais plus subvenir à mes propres besoins. Foutaise! Avec un peu de volonté, je sais que je serais capable. Mourir dans ce lieu de désolation m'insulte. Qu'est-ce que je ne donnerais pas pour être encore dans ma belle maison campagnarde, sortant admirer les oiseaux qui chantant, mangent les graines que je leur lance. J'aime les oiseaux. Ils sont libres, eux. De leurs jolies ailes, ils peuvent s'envoler et voyager sur la terre entière, sans interdit, sans tristesse.

Mon regard passe délicatement sur mon téléphone, qui sur ma table de chevet n'a pas sonné depuis deux mois. Oui, deux longs mois... Mes enfants doivent avoir tout à faire sauf passer un coup de file à leur pauvre père. Ils sont maintenant grands-parents eux aussi. Leurs petits anges ont grandi si vite, leur vie est forgée et tout tracé. J'ai terminé mon travail en ce monde, je les ai adoptés, puis guidés vers le futur et me voilà leur passé. Je n'ai pas à me plaindre, j'ai plein d'amis au centre pour rendre mes journées moins déprimantes. Je me souviens que quand j'étais gamin, passer du temps avec les vieilles peaux comme je suis devenu était un fardeau. Voilà pourtant qu'aujourd'hui, je fais partie de ces personnes.

Pour passer l'ennui, je marche jusqu'à mon bureau. J'aperçois un visage ridé dans le miroir. Cet homme qui me regarde porte d'immenses lunettes au verre épais m'aidant à combattre ma sévère myopie. Ses cheveux métalliques sont courts et dégarnis sur le devant. Dans mon jeune temps, ils étaient châtains et se divisaient étrangement en deux tons. Je me souviens comme je les détestais par moment. Alors que mon reflet est un peu grassouillet, l'adolescent qui sommeille en moi était grand et juste assez musclé pour que ce soit joli. C'est triste de voir comme le temps change une personne, mais au fond de moi je sens que je suis toujours le même.

Je jetai un regard sur tous les objets trônant sur mon bureau. Ils sont couverts de poussière, signe que la femme de ménage ne fait pas bien son travail. En fait, je crois surtout qu'elle craint d'abimer l'un de mes nombreux souvenirs. Il y a maintes cadres photo, des bons moments passés, mes enfants, mes petits-enfants et surtout mon mari qui m'a abandonné il y a deux mois pour l'autre monde. Ma main tremblante glisse jusqu'à cette petite bande dessinée qu'il m'avait un jour faite pour me prouver son amour. C'est fou comme chaque seconde de ma vie j'ai pu aimer cet homme. S'il y a bien une chose dont je suis fier en ce monde, c'est de lui. Il a fait de cet enfer pour moi un paradis, il m'a rendu chaque seconde sur cette terre merveilleuse.

Pourquoi les meilleurs partent toujours les premiers? J'aurais donné n'importe quoi pour ne jamais le voir s'éteindre avant moi. Il était ma 8e merveille du monde, ma perfection. Même si nous devenions tous deux de vieilles personnes ridées et que notre beauté s'évaporait de jour en jour, je n'ai jamais cessé de l'aimer comme au premier jour. Il a été ma vie et mon bonheur, chaque instant sans lui me tue un peu plus.

Sans même réfléchir, je dépose dans mon tourne-disque d'époque mon disque des Turtles. Notre chanson, Happy Together m'enveloppe de ses doux bras transparents. À chaque parole, les souvenirs de notre rencontre me remontent à l'esprit. Dans ce temps où je n'étais encore qu'un adolescent qui ne croyait pas en l'amour...

Voici le premier chapitre de l'histoire qui remplace « PROJET: fêtons Armin» J'espère qu'elle vous plairas autant😊