Illusion

1. Amy

- Alors Amy, comment ça avance ton histoire ?

Je me tourne vers mon père et hausse les épaules.

- Je viens de finir le sixième chapitre. Je n'ai pas beaucoup d'inspiration en ce moment. Et pas trop de temps non plus... Mais j'aurai fini avant la fin de l'année, ne t'en fais pas !

- Tu aurais déjà plus de temps si tu arrêtais de traîner tout le temps avec tes amies ! Ce n'est pas comme ça que tu deviendras auteure à succès. Tu dois te bouger un peu plus si tu ne veux pas finir au chômage. Je ne veux pas d'une fille qui ne travaille pas, ce serait une honte pour notre famille. Prend un peu exemple sur ton frère...

Et ça recommence... Je soupire et accélère le pas, tandis que mon père continue à me faire la morale. Il ne pense qu'à l'argent, c'est un vrai connard. Tout ce qui l'intéresse par rapport à moi, c'est que je suis plutôt douée en écriture et qu'il pourrait facilement se faire de l'argent avec mes livres. Ça m'énerve, il ne faut plus que je pense à ça. Je parcours le paysage du regard, c'est vrai que la forêt est plutôt jolie. J'ai toujours bien aimé la nature. La plupart des gens de cette époque restent enfermés chez eux, et ne se rendent pas compte de la beauté du monde qui nous entoure. J'adore aussi prendre des photos. Ça me permet d'immortaliser les bons moments, de garder en mémoire les belles choses que j'ai vues. Je prends surtout des photos de paysages et d'animaux. Je les poste parfois sur Instagram, mais la plupart du temps je les garde pour moi. Quand je suis triste ou énervée, je les regarde et ça me calme à chaque fois.

Mon petit frère vient se poster devant moi, un bâton de bois à la main.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Je veux que tu joues avec moi !

Je ne suis pas d'humeur... Je secoue la tête et le laisse en plan. Mais il revient vers moi et me plante son bâton dans le ventre. Je me retiens de péter un câble.

- Lucas ! Tu ne sais pas faire attention ?!

Pour toute réponse, il me tire la langue et part en courant. Je soupire et donne un coup de pied dans un tas de feuilles mortes. Puis je continue à marcher en traînant des pieds. Cette promenade habituelle du dimanche est vraiment ennuyeuse. On fait toujours le même chemin, je le connais par cœur à force. Et puis on va dire que ce n'est pas une grande partie de plaisir de passer du temps avec ma famille. Mon père est alcoolique, violent, et son seul point d'intérêt est l'argent. Ma belle-mère est une vraie connasse. Et mon petit frère, qui est en fait le fils de ma belle-mère, est un enfant roi. Puis il y a moi. Aux yeux de ma famille, je suis la ratée. Je ne leur ressemble pas. Je suis sensible, j'aime l'art, la nature est ma seconde maison. Je n'aime pas les gens. Ils ne font que de juger et sont complètement abrutis par toutes ces nouvelles technologies. Je déteste cette société, où tout le monde doit être parfait physiquement, tout le monde doit être pareil... Tous des moutons... Mais le mental, on s'en fout hein ? Les gens sont réduits a de vulgaires choses. Et non pas à des êtres humains. Tout ça me dégoûte. Je suis continuellement jugée parce que je suis différente, mais je n'en ai rien à foutre. Ce n'est pas eux qui vont changer qui je suis.

La voix de ma belle-mère résonne.

- Amy on y va, on rentre à la maison.

- Oui belle maman, j'arrive.

Je soupire et regarde autour de moi. Il commence déjà à faire nuit. Je fais demi-tour et mon attention est attirée vers un arbre un peu spécial. Le vent souffle dans les branches et laisse apercevoir comme un visage, dessiné dans l'arbre. Juste deux yeux et une bouche. Je souris en regardant cela, mais me fige lorsque les yeux paraissent s'illuminer. Je vois maintenant une lueur jaune à travers l'arbre, et le visage est bien plus visible. Je frissonne. Je sors mon téléphone et active l'appareil photo tout en gardant mon regard fixé sur ce fameux visage. J'appuie sur le bouton, et la photo se prend avec l'effet sonore, comme toujours. J'inspire un bon coup, puis retourne vers ma famille en courant, ça doit faire un moment qu'ils m'attendent. J'ai perdu toute notion du temps. Mais lorsque je m'approche d'eux, ils semblent figés. Tout est silencieux. Je n'entends plus rien, excepté le son du vent qui souffle dans les arbres. Il fait beaucoup plus sombre qu'il y a deux minutes.

- Papa? Lucas? Belle maman?

Aucune réaction. Pas même un petit sourire de la part de Lucas qui pourrait faire croire à une blague. Je commence à les pousser, à les secouer dans tous les sens, à hurler, mais rien ne se passe. Le monde entier semble s'être arrêté. Soudain, je me sens faible et commence à trembler. Mes jambes n'arrivant plus à me soutenir, je m'écroule sur le sol. J'ai des lancements dans tout le corps, je ne contrôle plus rien. J'ai mal partout. Je ne sais pas si je tiendrai encore longtemps dans cet état. Je ferme les yeux, me préparant au pire.

Puis tout s'arrête, aussi vite que c'est venu. Je me relève, étonnée. Je me sens parfaitement bien. C'était comme s'il ne s'était rien passé. Mais tout est toujours aussi calme, et ma famille n'est désormais plus là. Je passe rapidement une main dans mes cheveux blonds platine, et sens quelque chose dans mon cou. Je prends mon téléphone et regarde mon cou dans le reflet de l'écran. Mon sang se glace lorsque j'aperçois une grosse marque noire sur ma peau... Cette marque, je la connaît bien. Trop bien...