Chapitre 39.2 ✔️

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E N E K O


Le soir, l'infirmière blonde redébarqua. Cette fois, je me forçai à manger, afin d'être un minimum en forme pour ne pas que Malek ait trop honte lors de notre dernière rencontre. J'avais toujours ma petite fierté, comme si je pouvais lui dire « eh, tu crois que je vais mourir de faim à cause de toi ? » en guise de dernière rigolade.

Je demandai également à la femme un stylo et un papier. Je dus forcer pour l'obtenir, mais elle céda. Lorsque le soleil se coucha, je pris mon courage à deux mains, renfermai mon débordement d'émotions et ouvris une dernière fois mon cœur. Pendant quelques heures, j'écris les mots que je pourrais prononcer lors de mes véritables Adieux. Une centaine de minutes pour quelques petites lignes stupides. Mieux vaut ne pas en dire trop, je suppose...

Je tentai de m'assoupir. Contre toute attente, Morphée me recueillit à bras ouverts. Le manque de sommeil m'avait terrassé. Je dormis jusqu'à l'aube.

Rien ne se passa une bonne partie de la journée. Tel un robot, j'écoutais l'infirmier, je mangeais. Je ne pensais à rien. Afin de prouver une nouvelle fois que j'avais tort, ma mère se présenta encore. Je ne comprenais pas...

— Vous pouvez repartir. Vous avez l'autorisation d'aller à la morgue pour Malek Hallami, également. Je peux vous accompagner personnellement.

J'acceptai immédiatement la proposition de l'infirmière, qui s'était incrustée à l'improviste. J'enfilai des vêtements désaccordés que Léanne avait piochés. On me conduit jusqu'à la morgue et j'y entrai accompagné d'un membre du personnel.

063, d'après elle.

Je retrouvai le nombre sculpté sur l'un des tiroirs mortuaires. Je déglutis. L'appréhension m'avait fait chiffonner mon papier, mais je tentai d'enlever les pliures pour relire ce que j'avais écrit une dernière fois. Je ne me préparais pourtant pas à une grande conférence, mais c'était important pour moi. En espérant juste qu'elle s'en aille pour que je puisse lui dire...

«Je ne peux comprendre ce qui a poussé le destin à lier nos deux âmes, mais sache que ma première mort, malgré sa brièveté, fut le plus beau cadeau que la vie m'ait offert. Je sais ce que tu vas me dire... J'ai lu ton poème, après tout. Tu ne dois pas du même avis que moi, là-haut. Sans doute encore en train de grogner sous ton masque allègre. Pourtant, si cela n'était pas arrivé, qui nous dit que nous nous serions rencontrés? Alors je suis désolé... Désolé que tu m'aies quitté trop tôt, ou plutôt, désolé de m'être réveillé, de t'avoir abandonné. Je ne peux que relater nos souvenirs, heureux comme douloureux... et j'espère que l'on se réunira bientôt. En attendant, je voulais juste que tu saches cela —

Je t'aime.»

Au bout de quelques minutes, je purgeai mon esprit. La femme tira la poignée afin de dévoiler le corps vide de vie de l'homme que j'aimais.

Je restai figé un long moment. Mes sourcils se froncèrent. Un instant me fut nécessaire pour réaliser ce qui s'était révélé devant moi, mais je ne comprenais pas...

Comment cela avait-il pu arriver ?

Je déglutis sans quitter des yeux le contenu du tiroir... ou plutôt son manque de contenu. Aucun corps à l'horizon.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? maugréa l'infirmière. On ne m'avait pas prévenu qu'on l'avait déplacé...

Je... Qu'est-ce que j'en savais? Où est mon copain? Mon ange? On... On me l'avait arraché de mes mains, encore une fois ! Non, pas possible... Une entreprise pareille n'aurait pas pu avoir eu lieu dans un tel bâtiment.

TRANSES 1: Deux Anges Revenus Trop TôtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant