Chapitre 24.1 ✔️

241 48 0
                                    

M A L E K


          Une fois les cours terminés, j'attendis Sonja à l'Angélique. J'ignorais si elle y travaillait toujours, mais je devais lui parler de tout ce qui me tracassait, surtout depuis ma discussion avec Eneko hier. Mes sentiments, la soirée... l'accident. À côté de ce dernier, celui de mon E.M.I. me faisait bien rire.

J'avais eu la chance de survivre. Tout le monde ne l'avait pas.

Je voulais devenir une meilleure personne — pour moi, pour lui. Peut-être me faire pardonner, si possible. Au fond, ce que j'éprouvais pour Sonja relevait plus du respect qu'autre chose, de l'admiration. En dépit de tout ce qu'elle endurait, elle gardait la tête haute. Elle réussissait ce qu'elle entreprenait et contrôlait parfaitement sa vie, tout le contraire de moi.

À ce rythme-là, j'allais crever avant de rater mon année.

Quelques minutes plus tard, une femme vêtue d'un manteau de fourrure m'accosta. C'était elle. J'arrachai mes écouteurs et enfilai mon plus beau masque pour lui sourire.

— Enfant de bourgeois !

— Moi ?

— Oui, toi. T'es une enfant de bourgeois.

— Eh bah, c'est sûr que quand on te voit...

— Quoi ? J'suis moche, c'est ça ?

On ricana, parlâmes de la pluie et du beau temps, de l'université, ce genre de choses. Éventuellement, j'allais devoir lui expliquer la raison de notre présence — lorsqu'elle aura avalé sa première gorgée de chocolat chaud.

— Je travaille plus ici, m'avoua-t-elle le nez dans sa tasse. J'ai d'autres... plans, on va dire. T'as pas pris de bière, ça m'étonne.

— Non, je... Eh, tu m'prends pour un alcoolo ou quoi ?

— Peut-être bien.

— On en parle de la bouteille de vodka que t'as voulu finir ?

Elle ne réagit pas directement. Bah oui, quel con, vous avez baisé juste après. Forcément...

— Tu l'as autant bue que moi.

— M'ouais, c'est ça, m'exaspérai-je.

— Alors, quelles sont les nouvelles ? Les vraies nouvelles ?

Elle poussa l'accent sur le deuxième mot de cette phrase.

— J'ai... Alors, tout d'abord...

Je me raclai la gorge. Dans le lot, le sujet le plus facile à aborder restait mes sentiments, alors je préférais commencer avec ça. Sonja n'en avait pas pour moi — pas d'amour, en tout cas, donc je ne remettais pas en question ma confiance.

En fin d'après-midi, le café était calme, mais l'affluence grandissait. Les bruits de pas, les murmures, le choc des tasses — je rapprochai ma tête pour qu'elle m'entende sans que je n'aie à hausser la voix.

— Eneko... Je le trouve vraiment sympa, et... mignon.

— C'est vrai qu'il l'est.

J'arquai un sourcil.

— Je...

— T'en pinces pour lui, c'est ça ?

Sa remarque me déstabilisa. Comme pendant une secousse, toutes mes pensées s'agitèrent. Que devrais-je dire ? Oui ? Non ?

Mon regard se noyait dans mon café, pataugeait dans son obscurité. Si je l'avouais, aucun retour en arrière ne serait envisageable, et mon choix se forgerait dans la pierre de mon cœur.

TRANSES 1: Deux Anges Revenus Trop TôtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant