Chapitre 19.2 ✔️

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E N E K O


          Cette vue disgracieuse me médusa. Ma gorge se bloqua, victime d'une anhélation. Le monde s'immobilisa, la terreur m'ankylosa, comme si plus aucun sang ne circulait dans mes veines. Je restais là, yeux cloués au démon, langue cimentée, mains menottées au pied de lit. Seul un effroi m'animait et me hérissait les poils. Avec un peu de chance, sa vision ne fonctionnait que si leur proie se mouvait...

Oh la la... évidemment que ce n'était pas le cas, Eneko !

La hideuse créature déplia son corps pestiféré. Une silhouette humaine en résultat et mon dégoût explosa. Ses yeux renvoyaient un jaune tartre qui ébranlait ma flamme, plus vive que jamais.

La notion du temps m'avait échappé.

Les pieds de l'abomination se décollèrent du parquet et l'ombre s'envola vers moi. Mon esprit s'étouffa.

Malek.

Léanne.

Sonja.

Malgré toute la merde que j'avais endurée, je ne voulais pas tout perdre.

Pas maintenant.

Je m'élançai sur le côté. La peau rugueuse du monstre m'effleura et je m'écroulai avec lourdeur. Le sol me griffa. Mes muscles raidis m'empêchèrent de rebondir. L'épouvante contrecarrait le contrôle de mon corps. Je gesticulais seulement, dans l'espoir qu'un miracle me relève.

Une obscurité morbide m'enveloppait. Mon téléphone m'avait glissé des mains. Partout, les ténèbres... Non. À quelques mètres, la lueur de la lampe torche contre le sol symbolisait mon unique chance...

Je hurlai, sans bruit. Je ne voyais pas mon ennemi. Cela projetait mon anxiété à son paroxysme. Un souffle m'échappa, mes membres tremblaient. Ils se croyaient dans une eau glacée, mais ils se noyaient en Enfer. Si les larmes pouvaient couler, elles s'évaporeraient au contact de mes joues... et toujours, ce silence lugubre, seulement détruit par mes respirations alarmantes. J'allais m'évanouir d'ici quelques minutes.

Malek, réveille-toi...

Mon cerveau carburait. Je devais comprendre. Les théories sur les paralysies, les mythes... les cauchemars.

Le démon revenait sans cesse sur le torse de Malek. Bordel. Voilà pourquoi il ne se réveillait pas ! C'était lui qu'il voulait, pas moi !

J'emplis mes poumons de détermination et rampai tel un renard jusqu'à mon téléphone. Je l'empoignai et illuminai le bel ange.

Aveuglée, elle m'observait.

La Mara et sa peau moisie.

— Laisse-le !

Un feu belliqueux me hurlait de prendre sa revanche — sans doute ma flamme qui me consumait petit à petit. Sa puissance grignotait ma peur. À coup de halètements bruyants, je réussis à stabiliser ma respiration.

La dématérialisation.

Le démon m'avait attaqué par surprise, l'autre fois. Maintenant, je savais quoi faire.

Maintenant, je pouvais me rendre utile.

— Dégage de là !

Ma voix porta jusqu'à m'en briser les cordes vocales. J'immobilisai mes membres.

Je poussai.

Bousculai.

Chahutai mon âme.

TRANSES 1: Deux Anges Revenus Trop TôtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant