Chapitre 22.2 ✔️

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M A L E K


           Après la séance, la guide se montra muette. Eneko voulait que lui et moi parlions seuls, alors Sonja nous laissa devant la cage d'escalier. Je m'attendais au pire. On n'avait pas sérieusement discuté de cette nuit-là... ni de sa dernière projection astrale.

Je rangeai un poing dans ma poche, accoudé à la rambarde. Vu son air de parent en colère, il avait deux mots à me toucher. Le problème ? Moi aussi, je devais lui avouer certaines choses, mais je ne pourrais pas. Je me frottai le front et laissai ma tête tomber contre le mur.

— T'as enlevé ton bandage ? demanda-t-il. Ça va mieux, ton crâne ?

— Oui, t'inquiète... Tu veux vraiment rester dans les escaliers ?

— Quoi, t'as peur que Prairie nous entende ?

Ses yeux bleus brillaient et il dégagea des mèches de son front. Depuis quelques semaines, ses cheveux et sa barbe avaient poussé. Bientôt, il serait un hipster en puissance. Heureusement, son charme restait intact.

Me retrouver dans cet escalier me remémora notre première discussion, lorsque l'on nageait dans le flou quant au principe des E.M.I.. Tout y était plus simple, paradoxalement.

J'avais cours lundi et la tournure qu'avait prise ma vie depuis ma rencontre avec Ilça ne présageait rien de bon. Ma crainte de vouloir en savoir plus et de me lier à Eneko devenait réalité. À quel point cette histoire d'anges et de démons allait-elle pourrir mon année ? Tout se passerait comme des roulettes si Aversion n'existait pas. On ne se ferait pas cibler autant et j'aurais au moins une chance d'obtenir mon diplôme.

Ces études me tenaient à cœur, et à l'heure actuelle, notre situation les compromettait. Il le savait, et je le lui rappelai, mais j'allais avoir besoin de me concentrer là-dessus ces prochains jours.

Il grimpa quelques marches et se retourna. Il avait recréé avec perfection notre premier au revoir, sauf que cette fois, il me dominait.

— J'comprends, t'as des problèmes plus importants que... nous.

Mon visage se crispa.

— Comment ça ?

Son faciès aimantait mon regard, alors je capitulai. Ses yeux me fuyaient, et même si sa langue tournait dans sa bouche, ses paroles m'attaquaient. Il en avait marre de ne pas se faire comprendre.

Pourtant, je le comprenais.

— Pendant le rêve, je... je t'ai embrassé et tu m'as rejeté. Pareil la semaine dernière, t'as fui sans rien dire. Pourquoi ?

— C'est pas d'ta faute, Eneko —

— Alors c'est la faute de qui ? resserra-t-il les dents.

Il me posait une colle. Je ne pouvais pas lui annoncer la vérité, pas maintenant. Je n'en étais pas capable. Sonja et moi devions d'abord nous concerter pour que je lui raconte ce que j'avais découvert et éviter que ces pensées ne grignotent mon âme jusqu'à la dernière miette.

Un tel secret ne pouvait pas rendre en bonne santé — surtout lorsqu'il détruisait la personne que l'on chérissait le plus.

— Alors ? Je préfère être clair, parce que je t'ai embrassé et que je le regrette. Je déteste qu'on se joue de moi, j'en ai marre que tu me laisses dans le flou.

— Moi, c'est d'ma faute.

— Quoi ? Mais...

Des picotements se propageaient dans mon corps, mêlés à des bouffées de chaleur qui, je l'espérais, ne se remarquaient pas.

TRANSES 1: Deux Anges Revenus Trop TôtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant