« Tu ne m'as pas écouté. »

Dans les ténèbres de la chambre, les reproches de Witahé résonnent sans même un tremblement de supplique. Il n'a plus rien d'un ange gardien, s'apparentant désormais plutôt à un juge céleste. Malgré l'obscurité, la réveillée imagine parfaitement le visage de son compagnon : ses yeux désapprobateurs ; l'intérieur de sa joue mordu, comme toujours lorsqu'il est irrité ; ses poings serrés... La jeune femme frémit.

« Pourquoi tu ne m'as pas écouté, Oriane ?

Cette fois l'inquiétude perce sa voix, faisant éprouver à sa compagne une désagréable culpabilité. Même s'il le le voit sans doute pas dans la pénombre, elle baisse les yeux. Peut-être ne vaut-elle pas mieux que son père, au fond ?

— Pourquoi tu crois ce type et pas moi ? souffle Witahé avec une voix encore plus tremblante. Il ne t'aidera pas, Oriane. Le docteur Denn si. Et tu le sais.

Elle ne veut pas le savoir, et elle l'affirme clairement en rétorquant :

— Il me ressemble.

— Ne dis pas n'importe quoi, Oriane. Tu le connais à peine...

— Mais je le sens ! Il a... cette chose dont j'ai besoin, tu comprends ? Il me complète, je... je me sens vraiment bien avec lui. Tu comprends ?

Silence.

— Witahé ?

Toujours pas de réponse.

— Witahé ? »

En allumant la lumière, Oriane réalise qu'elle est seule : Witahé a disparu. Parti on ne sait où. Comme toujours.

***

À vingt heures, comme prévu, Oriane se rend au Café du Liseron. C'est un endroit assez fréquenté, au bord de la rivière, à la décoration évoquant le Paris de la Belle Époque, avec des concerts tous les samedis soirs. Il se trouve à l'entrée du Quartier Est, bien connu pour ses fêtes quotidiennes et son ambiance nocturne déjantée. Qui plus est, l'établissement se situe à l'autre bout de la ville par rapport à Gênnille et l'usine de Paria ! , donc aucun risque de retrouver parmi cette foule de travailleurs une tête connue.

Si Alix la découvrait en rendez-vous avec un jeune homme, elle piquerait une crise de ne pas avoir été prévenue plus tôt. Sans oublier Shawn qui ferait des boutades à ce sujet jusqu'à la fin de ses jours...

L'inconnu aux cheveux blond platine est déjà là, assis à une table dans un coin, buvant à petites gorgées un soda. Il a remarqué l'arrivée de son invitée, mais fait mine de ne pas s'y intéresser – évidemment. Oriane s'installe à la chaise en face puis, une fois sa commande faite, elle déclare :

« Me voici. Satisfait ?

Il esquisse un sourire en reposant son verre :

— On ne peut plus satisfait. Vous avez eu raison de m'écouter.

— C'est ce que j'attends encore de voir... Pas d'alcool ? ajoute-t-elle, moqueuse, avec un petit regard vers le soda. Je vous imaginais pourtant si bien en ivrogne...

— Navré de vous décevoir. Mais si cela peut vous consoler un peu, sachez que je l'ai été, et que je peux retomber très vite.

Le café d'Oriane arrive. Elle en avale une gorgée avant de reprendre :

— Je ne sais même pas votre nom.

Il l'observe un long moment, puis finit par lancer d'une voix douce et amusée :

Mauvais RêvesМесто, где живут истории. Откройте их для себя