Nantis

Chapitre 22 : Talk to me

                Jonas avait les yeux rivés sur son bol de céréales. Il était incapable d'avaler quoi que ce soit. Comme toute sa famille, il avait appris hier, dans l'après-midi, que son demi-frère était boulimique. Enfin, « appris », songea le garçon, en sentant son cœur se pincer de culpabilité.

Chloé pénétra dans la cuisine, séchant ses cheveux avec une serviette de toilette et courant jusqu'à la cafetière. Jonas esquissa un sourire. Sa mère était toujours en retard. Ce matin, probablement encore plus que d'habitude. Il supposa qu'elle et Paul n'avaient pas dû fermer l'œil de la nuit. L'ambiance était tellement lourde dans l'appartement qu'on pouvait à peine respirer.

— Est-ce que je te dépose avant de partir ?

La question de sa mère réveilla Jonas de son inertie et il releva ses yeux vers elle. Les siens étaient rouges et gonflés.

— Non, je vais y aller à pied, répondit son fils.

— Tu es sûr ?

— J'ai besoin de... prendre l'air, avoua-t-il.

— Je comprends, murmura sa mère avec les lèvres pincées.

Chloé attrapa la cafetière, versant le liquide dans son thermos. Son fils voyait à ses mouvements saccadés qu'elle n'avait pas dormi de la nuit.

— Je file, s'empressa-t-elle d'ajouter en sortant de la pièce d'un pas rapide, Passe une bonne journée mon chéri !

— Noah va rester tout seul aujourd'hui ?

Chloé s'arrêta sur le pas de la porte. Presque soulagée qu'il aborde la question. Elle non plus n'aimait pas cette atmosphère angoissante.

— Anna l'a rejoint hier soir, l'informa-t-elle, Elle va rester avec lui ce matin et Paul rentre dans l'après-midi.

— Je peux rester aussi, proposa-t-il, Il n'a pas besoin de louper le travail.

— C'est gentil mon chéri, mais le BAC approche. Je préfère que tu ailles en cours. Tu resteras avec Noah ce soir.

— D'accord, murmura-t-il sans insister davantage.

Jonas reporta son attention sur son bol de céréales. Il n'avait toujours pas faim. En fait, il n'avait pas faim parce que, exactement comme l'avait fait Noah, il se cachait la vérité.

— Maman, souffla-t-il la voix tremblante.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— Je savais.

C'était dit. Enfin, c'était dit.

Sa mère fit de nouveau irruption dans la cuisine, se plantant devant lui. Alors Jonas continua pour déballer tout ce qu'il avait sur le cœur :

— Je savais, maman, je savais qu'il faisait des crises, que quand ça arrivait, il se goinfrait de nourriture et de soda. Je savais qu'après, ça lui faisait mal au ventre et qu'il devait vomir pour se soulager. Je savais tout ça, maman, murmura-t-il alors que les larmes balafraient ses joues, Mais ce n'était pas mis bout à bout dans ma tête, ça n'avait pas de nom donc ça n'avait pas de sens. J'avais l'impression que ce n'était pas si grave. Je me disais juste que s'il ne voulait pas de tout ça, il avait qu'à arrêter de se faire du mal, simplement arrêter...

— On se sent tous responsables Jonas, souffla Chloé, Ne te punis pas.

— J'aurais dû.... J'aurais dû lui en parler, je ne sais pas.... Je ne sais pas pourquoi....