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- Petit Prince des Ténèbres,

si on lui dit,

si on lui répète,

qu'il doit partir, tout laisser derrière lui, pour le bien du monde, 

et celui de leur vie, 

pour ne jamais revenir, que répondrait-il ? 


J'écarte les bras, brusquement, presque scandalisé, avec un petit air sarcastique sur le visage, et un grand sourire éclatant. 


-  Mais mon gars.

C't'enfant là, ça fait longtemps qu'il a prit la route. Un bail qu'il n'est déjà plus là. Je l'ai vu la dernière fois - qu'il traînait sur l'goudron, les mains bandées, le coeur tellement en vrac qu'il glissait dans son dos comme un poids d'acier trop lourd à porter pour lui. Sa peau bronzée brillait au soleil du soir, alors que dans ses yeux il se reflétait - avec les cheveux en bataille, ses mèches claires, qui se mélangent aux plus sombres. Ses lèvres étaient entrouvertes, son teint noir. Ses sourcils haussés montraient que, non, c'était pas si dur que ça. La difficulté, elle était derrière lui. Son regard vide - le regard d'un mort, sur la gueule d'un ange. Il était beau - je voulais l'embrasser. Le prendre par derrière, l'aplatir sur le bitume, passer ma main sur sa cuisse en jean, mes doigts par les trous de son pantalon pour toucher sa peau de bronze. Ma bosse sur la sienne, mes lèvres contre son cou, qui le dévorent, qui s'en imprègnent - mes dents qui la mordent, la croquent - nos corps contre le monde entier, que d'un geste vif du bras, on aurait balayé en clamant qu'on s'en branle de leurs règles à la con, de leurs réflexes de moutons mal garés. J'aurais stoppé ma bagnole au milieu de l'autoroute - pour saisir son bras, le ramener contre moi. Pour n'importe quelle somme d'argent assez haute pour lui, j'aurais, saisi son membre d'enfant juvénile, pour le rentrer dans moi, pour faire vibrer la terre, et crier les Dieux. J'aurais foutu le feu aux moines de toutes les Eglises, afin, de pouvoir le prendre, aux pieds des cierges, avec, autour de nous, les statuts qui gémissent, le froid qui se plaint, les gargouilles qui agonisent. Je l'aurais chopé, au milieu de la nef, dans des bâtiments qui ont mille ans d'histoires, le coeur qui se déchire, l'esprit, le corps et l'âme remplis d'Espoir - qu'il ne s'en irait pas- alors qu'il n'était déjà plus là - avant que je puisse, lui faire l'amour jusqu'à l'aube, sa main qui s'accroche à ma nuque, ses ongles qui s'enfoncent dans mon derme, - l'orchestre en plein dans le choeur, qui jouerait des symphonies qui nous lacèrent - des mélodies autoritaires et effrénées, pour faire danser nos corps dans le murmure des prières, jusqu'à la fin de nos jours. J'aurais, pincé son téton pour l'entendre gémir, me supplier - ce qu'il n'aurait jamais fait - me dire qu'il est à moi, et moi, qui saurait qu'il ne le pensait pas. J'aimerais. Mordre la commissure de sa lèvre inférieure, tirer dessus pour le faire saigner de l'intérieur - le voir, rouler des yeux, d'agonie et de plaisir, - voir, les tremblements de ses jambes, hystériques sous nos ébats, avec, son ricanement, volontiers, cinglant, quand, au milieu de nos fusions, mon regard aurait croisé le sien. - Puis, dans ses pupilles, aurais-je voulu voir, l'ombre d'une douleur calcinée ? Oui. Il a un sourire à se damner. A rendre fou, putain - à éradiquer, n'importe quel mal, attendre, tous les lendemains - , avec, une ténacité rageuse - propre à tous les êtres, qui brûlent de l'intérieur, avec dans la voix, la plus malsaine des terreurs. J'aimerais. Revoir, cette langue lisse au goût alléchant, qui s'coince entre ses dents, pour nous lâcher, le plus prenant des rires, les plus puissants de tous les mots. Insolent. Innateignable. Rusé et nocif - comme la fumée d'un cigare, qu'on renifle par le nez, comme le filet de cann' qu'on a chopé. Ce gamin, c'gamin. Ce gosse, sur une superficie de 510 065 700 km2, on l'verrait arriver, au milieu, du plus sombre des chaos, la plus opaque des fumées, la plus aveuglante des Lumières. Je pourrais. Le surprendre, au fond d'un cimetière, en train d'parler à des cadavres, devant des bouts d'bétons placés façon random, sur une herbe crasseuse et jaunie. A s'rouler dans la boue, heureux comme un con, à courir entre les arbres, tel un forcené, derrière la même roue. 

Alors mon gars.

Pour être un humain, 

          Pour être un humain, 

   Pour être un malade,

un aveugle,

un fou,

un taré, 

                un morveux,

       tout comme lui,

Il faudrait,

     il faudrait,

porter ses pompes, des godasses dégueulasses de cendre et de suie,

Parcourir la terre, 

                     avec dans la tête, 

       une voix qui nous crie,

Que c'est pour lui - pour lui, qu'on fait les dingues, 

pour lui, qu'on court pour s'en aller, 

      prendre la route, 

   perdre haleine à en crever.

Que c'est pour lui..,

    pour lui..

CHORUSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant