CHORUS

... (1)

Lui ? Ah oui, j'me souviens d'ce gamin là.

Un malade, le taré qu'était amoureux d'tous les sourires. C'était lui aussi qui faisait pleuvoir dans les cœurs. T'sais ce qu'il est devenu? Bah moi non plus. Pourtant, j'le vois tous les jours. Lui. Qui défie la vie en la r'gardant dans les yeux, avec des yeux sombres qui explosent à chaque fois qu'il regarde les étoiles. C'pas le cas quand il fait face à un malheur. Stoïque. Impartial. Aucune empathie. Comme un malade qui se regarderait mourir. Lui. Qui s'balade dans les ruelles à minuit tombé, avec les pieds dégueulasses, la sucette en bouche, la clope derrière l'oreille. Il est là, en train de se dandiner comme un con dans l'métro, et les gens le regardent. Ah ouais parce que j'te jure, on l'voit c'mec là quand il pénètre dans l'antre des lions. C'est un comme un gladiateur au milieu du Colisée. Il les bouffe tous, avec sa gueule d'ange, sa voix cassée limite sexy. Les filles, on voit leur langue qui trainasse sur le sol. Il fait même tomber les hétéro. Lui. Qui porte sa couronne d'petit Roi, qui parle, et qui fait taire les murmures. Une calamité ce gosse. Mais alors putain, qu'est ce que son succès fait vriller les rageurs. On dirait qu'ils sont prêts à se j'ter sur lui, mais ils font rien, parce qu'il est tellement vulnérable qu'ils ont peur de lui. Lui, qui dort quand tout le monde se réveille, ou alors qui dort pas du tout. Lui. Qui va jamais en cours, et qui s'débrouille pour s'pointer en candidat libre à ses putains d'examens, comme si il avait suivit tous les cours d'puis son pieu. Lui. Qui ressemble à un crevard. Un malfamé. Un cadavre. Un lécheur. Mais lui. Qui sait c'qui veut en étant totalement paumé.

T'sais quoi? Si un jour il arrivait en sens inverse d'moi dans la rue. Je ferai marche arrière pour revivre cinq cent fois le moment où mes yeux s'plantent dans les siens. La nuit lui résiste jamais.