Lone Wolf (Tome 1 & 2)

XVIII

Lorsque je me réveille, j'ai l'impression de me réveiller vraiment. J'insiste sur ce point, car tout ce que j'ai pu vivre depuis que je suis en mesure de me souvenir des choses, je m'en souviens.

Je suis assaillie par des souvenirs qui se mélangent, tout comme mes émotions : amour, tristesse, douleur. Je ne sais pas comment gérer tout ce qui m'arrive, je ne sais pas comment je dois réagir. Est-ce que je vais me mettre à pleurer pour évacuer ce trop-plein d'émotions ?

Kyle entre dans la chambre, notre chambre, chez nous. Puis la colère s'empare de mon être. Je n'ai plus besoin de me poser la question, car mon corps a décidé pour moi : Kyle, ce connard, sera donc la victime de tous mes maux.

Il m'observe prudemment afin d'évaluer mon état d'esprit. Oh, si tu savais, mon cher loup... Il m'est forcé de constater que je ne suis plus Hailey, la fille d'Alpha rejetée par son âme-soeur, car cette Hailey-là est morte le jour où la Confrérie a emprisonné ma louve. Je ne suis pas non plus Livie, la chasseuse de loup-garou qui pense qu'elle est timbrée. À vrai dire, je n'ai jamais été cette fille-là. Je subissais juste son existence. Mais alors, qui suis-je aujourd'hui ?

- Comment te sens-tu ? Souffle Kyle dont j'ai presque oublié la présence.

Je lève les yeux et les plonge dans les siens, si bleus. Qu'est-ce qu'ils m'ont manqué... Durant ces trois années, j'ai été privée de ce mâle qui est le mien.

Et celui d'Eva, me souffle la voix de ma louve, très remontée.

La jalousie m'accueille à bras grands ouverts. Puis, sans vraiment avoir réfléchis à ce que je fais, j'assène au loup plus si solitaire que ça, une gifle magistrale. Sa belle gueule part sur le côté sous l'impact et un silence de plomb s'installe entre nous, encore plus pesant que si nous portions chacun une planète sur nos épaules.

Kyle s'autorise un sourire amer avant de me fixer de nouveau. Je tente tant bien que mal de lutter contre cette attirance irrésistible que je ressens pour lui, mais c'est impossible. Notamment depuis qu'il... Je touche mon cou du bout des doigts et tressaille en sentant la Marque. Sa Marque.

- Ok, je dois admettre que je l'ai pas volé celle-là.

Je ne réagis pas à ses paroles, trop choquée par les évènements. Tout va de travers, vraiment tout. Une envie de pleurer me prend, autant que celle de le gifler une seconde fois. Alors que ma main se lève à nouveau, Kyle attrape mon poignet en secouant la tête.

- N'abuse pas non plus, souffle-t-il.

Nous nous fixons dans le blanc des yeux. Puis les miens s'embuent de larmes et ce qui devait arriver, arriva. Mon sanglot déchire le silence, suivi d'un autre et encore d'un autre jusqu'à ce que je ne puisse plus m'arrêter. Même les bras de Kyle qui m'entourent ne remédient pas à cette douleur au creux de mon coeur.

Je pleure pour toute cette souffrance que j'ai ressentie. Je pleure d'avoir perdu Kyle. Je pleure de m'être perdue moi-même durant plusieurs années. Je pleure pour ma louve, elle qui est restée enfermée. Je pleure également pour mon coeur brisé et trahi par l'homme que j'aime et ma meilleure amie. Je pleure pour toutes ces choses, car je sais que je ne pourrais plus le faire après ça. Puis, lorsqu'il ne me reste plus assez de larmes, je me roule en boule et tente de m'apaiser dans les bras de mon âme-soeur.

- Tu as couché avec Eva.

Ma voix semble provenir d'outre-tombe. Cela me fait bizarre, moi qui ai l'habitude de ma voix assez claire. Kyle ne répond pas tout de suite. Il semble chercher ses mots et dans un sens, il a raison. J'ai l'impression d'être une bombe à retardement. Une bombe à retardement vidée de toute énergie.

- Oui, je l'ai fait.

Sa réponse me surprend et je ne sais pas si je suis déçue ou non. Je m'attendais à autre chose venant de sa part, comme des arguments pour justifier ses actes.

- Et peu importe le nombre de fois où je m'excuserais, ça ne sera jamais assez et ça n'effacera pas ce que j'ai fait. Sache juste qu'aux yeux de tous, tu étais morte.

Je me tourne et me retrouve le nez au niveau de sa poitrine qui monte et qui descend lentement. Je remarque alors la peine qui habite ses traits. Je n'imagine pas la tristesse qu'il a dû ressentir durant tout ce temps, parce que je ne veux même pas essayer de me mettre à sa place.

Une vie sans lui n'en est pas vraiment une. Même si ça me fait culpabiliser de lui balancer tout ça, cela n'empêche pas ce sentiment de trahison d'être profondément ancré dans mon coeur.

- Tu aurais pu avoir toutes les femmes que tu voulais. Pourquoi Eva ? Pourquoi ma meilleure amie ?

Mes yeux restent obstinément secs alors que j'aimerais plus que tout fondre en larmes de nouveau. J'ai l'impression que je n'ai pas encore vidé ce trop-plein d'émotions.

- Je n'ai pas d'excuse pour ça. C'est arrivé, c'est tout.

Il soupire avant de me serrer fort dans ses bras. Son odeur s'infiltre dans ma peau. Je m'imprègne de lui, de son odeur, satisfaisant sa possessivité. Les loups ont ce besoin viscéral de marquer leur compagne en déposant leur odeur sur elle. Cela dissuade les autres loups de charmer la femelle et par conséquent, d'éviter des guerres inutiles.

- C'est arrivé combien de fois ?

- Hailey, s'il te plait...

Son refus de me répondre passe mal et je me détache de son étreinte à son plus grand regret.

- Tu sais, lorsque la Confrérie me torturait, il y a trois ans, je trouve ça toujours moins horrible et douloureux que ce que je ressens en ce moment.

Kyle ferme brièvement les yeux, accusant le coup.

- Comment aurais-je pu savoir que tu étais en vie ? J'ai tenu ton corps sans vie entre mes mains, je l'ai vu descendre sous terre à jamais. Putain, Hailey ! Est-ce que tu as la moindre idée de ce que ça m'a fait ?

Un sourire amer s'installe sur mon visage. Je sais que je devrais être soulagée d'être de nouveau moi, de retour à la maison avec lui et non plus entre les mains de ces monstres, mais tout ce qu'il s'est passé durant mon "absence" me tue.

- Ce n'était pas mon corps, mais celui d'une autre louve que la sorcière a ensorcelé pour la faire passer pour moi... Puis je ne vois pas en quoi ça te ferait quoi que ce soit. Tu n'as jamais montré un grand intérêt envers moi.

Il se lève d'un bon sous l'effet de la colère et me pointe du doigt. J'appréhende la suite des évènements, car je ne sais absolument pas ce qu'il compte me dire.