Lone Wolf (Tome 1 & 2)

XIII

Je quitte la pièce passablement énervée et me met en quête de retrouver Eva. Au bout de quelques minutes, je l'aperçois par la fenêtre devant la porte d'entrée. Elle ne sursaute pas lorsque je pose ma main sur son épaule, mais inspire très longuement.

- Je suis désolée... Souffle-t-elle.

- Ça veut dire que tu vas me laisser rentrer chez moi ?

Son visage baigné de larmes se tourne vers moi et je me force à lui sourire, même si je n'ai qu'une envie. Celle de prendre l'un des deux pour taper sur l'autre, quel bien fou ça me ferait !

- C'est ici, ta maison.

Je lève les yeux au ciel et m'assois sur l'une des marches. Eva met quelques secondes avant de faire la même chose. Elle observe le paysage nous entourant, la forêt étendue à perte de vue. Kyle a vraiment de la chance de vivre ici, c'est si... paisible.

- Je vais te raconter une histoire, ne m'interromps pas, s'il te plait.

Je lève les mains en signe de paix et elle hoche la tête, satisfaite.

- Il était une fois une jeune fille qui venait d'avoir vingt ans. Elle était aimée de toute sa famille, même si certains ne se mêlaient pas trop de sa vie, car il savait que le jour de son vingtième anniversaire, elle devait les quitter.

Un sourire naquit sur ses lèvres et je me sens curieuse. Est-ce réellement une histoire qu'elle me raconte ou un souvenir ?

- Elle a trouvé l'homme de sa vie ce soir-là et elle ne pouvait aller contre ce que le destin avait choisi pour elle : être avec lui. Mais lui, il a refusé de l'avoir. Il estimait qu'il n'était pas assez bien pour elle, qu'il n'avait rien à lui offrir. Alors il l'a repoussé de toutes ses forces.

- Pff... Quel imbécile, je commente.

Elle me lance un regard interrogateur auquel je réponds sans me faire prier.

- Quand on aime, on se fiche bien de ce que l'autre possède. C'est son amour qui importe, le reste, ce n'est rien.

- Tu as raison, mais il ne voyait pas ça comme ça. Il croyait dur comme fer à ce qu'il pensait. Le truc, c'est qu'il ne pouvait pas s'empêcher d'être loin d'elle, alors il a accepté qu'elle l'accompagne et qu'elle vive avec lui.

Elle prend une grande inspiration qui lui paraît douloureuse. En vérité, je ne sais même pas pourquoi je l'écoute, mais j'ai l'impression que c'est important pour elle.

- Alors leur enfer personnel a commencé. Il n'a pas su gérer toutes les émotions qu'il ressentait et elle, elle était tellement obnubilée par sa propre douleur, qu'elle n'arrivait pas à voir celle de ce gars.

J'hausse les épaules, car je ne vois pas où tout ceci nous mène.

- C'est cette non-compréhension qui les a séparés. Il n'a pas su lui dire ce qu'il ressentait pour elle. Et elle... Des... monstres l'ont kidnappé et on fait croire qu'elle était morte.

Elle m'observe alors et la tristesse qu'elle éprouve me fait mal au coeur. Je ne sais pas quoi lui dire.

- Ce n'est pas une histoire très joyeuse, je commente prudemment.

- Non, ça ne l'est pas. Mais c'est la tienne.

Je la fixe quelques secondes avant d'éclater de rire. Je m'attends à ce qu'elle me suive, mais son air sérieux me stoppe net.

- Eva, je ne sais pas où tu vas chercher tout ça, mais...

- Tu ne t'appelles pas Livie, mais Hailey et tu es ma meilleure amie.

Je me lève d'un bond, agacée avant de secouer la tête.

- Ok, donc vous êtes tout autant fou l'un que l'autre.

Je m'approche d'elle l'air menaçant tandis qu'elle ne cesse de me répéter que je ne comprends pas.

- Votre petit jeu est terminé. J'étais simplement curieuse, mais là, j'en ai assez. On a deux options : soit vous me laissez partir tranquillement, soit je serais obligée d'utiliser la manière forte.

Eva secoue la tête et je tente d'ignorer la douleur dans ma poitrine. Je sais ce qu'elle signifie et ça me fait du mal de l'admettre. Trahison. Je me suis étrangement attachée à Eva rapidement et le fait de me rendre compte que c'est une tarée de mêche avec son ex... Est-ce vraiment son ex ? Peut-être qu'ils sont toujours ensemble. Et pourquoi cela aurait un quelconque intérêt pour moi ?

- Alors ? Que choisis-tu ?

Des larmes se forment aux coins de ses yeux et me sens totalement désemparée. Je devrais l'assommer et me tirer d'ici, mais j'en suis incapable, comme si quelque chose me retient sans que je ne puisse mettre la main dessus.

Amie, souffle la voix au fond de mon crâne.

Je pose ma main sur ma tête et remarque la jolie bosse que Kyle m'a fait en me kidnappant. La douleur m'arrache un sifflement qui se transforme en gémissement à mesure que la voix répète des mots en boucle qui n'ont aucun lien entre eux.

Maison... Kyle... Chasseurs... Eva... Amie...

Je titube sous l'accès de rage de ma folie. Eva tente de me toucher, mais je la pousse et m'éloigne de quelques pas.

Kyle... Lien... Sécurité... Confrérie...

- Tais-toi ! Je hurle. Sors de ma tête !

J'entends à peine la porte d'entrée s'ouvrir à la volée. L'odeur de Kyle me frappe de plein fouet. Que... Quoi ? Comment suis-je supposée sentir cette odeur irrésistible qui me fait oublier la voix quelques instants ? Je ne comprends pas ce qu'il m'arrive.

- Qu'est-ce qu'elle a ? Demande-t-il, l'inquiétude dans sa voix trahit son attitude maîtrisée.

- Je crois qu'elle l'entend. Le poison dans ses veines ne doit plus faire effet. Sens-la.

Malgré moi, des larmes de douleur ont coulé sur mes joues. À genou sur le sol, les mains emprisonnant mon crâne et les cheveux ébouriffés, je dois faire peur à voir. Pourtant Kyle s'avance et me prend dans ses bras.

Je devrais le repousser, lui envoyer mon poing dans la figure, le traiter de tous les noms, mais je ne fais rien. La voix a cessé lorsqu'il est arrivé. Sa chaleur corporelle m'entoure et je sens le bout de son nez sur mon cou. Il inspire longuement avant de me serrer encore plus dans ses bras.

- Je ne sais pas comment tu as fait pour t'en sortir, mais sache que plus jamais je te laisserais filer entre mes doigts.

Sa voix grave et basse résonne au creux de mon cou, dans mon corps, dans mon âme.

- Va te faire voir, espèce de psychopathe, je souffle soudainement epuisée.

Il rit et je me laisse aller contre lui, étrangement à bout de force.

- Un psychopathe qui te fait beaucoup d'effet, murmure-t-il si bas que j'ai l'impression d'avoir rêvé.

Mes yeux papillonnent et je me sens partir vers l'inconscience.

- Je vais te buter, je marmonne avant de sombrer.