XXII

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Sa présence m'apaise autant qu'elle me met dans tous mes états, alors mon coeur ne sait plus sur quel pied danser. La moto prend les virages avec aisance, dirigée par une main de maître. Même si je suis admirative envers la façon qu'a le loup solitaire de conduire son engin de la mort, cela ne m'empêche absolument pas mon coeur de s'affoler, ni la peur s'infiltrer de toute part.

J'ai l'impression qu'il s'est passé des heures lorsqu'on ralentit enfin. J'ose enfin ouvrir un oeil, puis l'autre. Un immense portail rouillé se dresse fièrement face à nous.

- Nous sommes arrivés. Tu peux entrer, le portail et la porte d'entrée sont ouverts.

Je descends prudemment, les muscles douloureux. J'ai l'impression d'avoir passé une journée entière à avoir porté des trucs super-lourds. Les jambes tremblantes, je recule de quelques pas. Je détache, non sans mal le casque et lui tend. Il m'observe sans un mot, le visage impassible.

- Je ne mettrais pas longtemps.

J'essaye d'ignorer le feu qui me parcourt lorsque ses doigts frôlent les miens avant d'attraper les lanières. Il enfile son casque avec une facilité qui me rend jalouse et sans un regard, repart le plus vite possible.

Je souffle et me tourne vers ce fichu portail qui me toise de toute sa hauteur. Quand il faut y aller, il faut y aller... Je pousse donc le portail de toutes mes forces. Le seul résultat que j'obtiens est un grincement strident, mais ce tas de ferraille ne bouge pas d'un centimètre.

- C'est sérieux là ? Je grogne.

Je fonce rageusement sur le portail et tout ce que je réussis à récolter, c'est un très beau futur bleu à l'épaule. Non mais franchement ? C'est réellement ça son plan ? M'abandonner dans un endroit désert, loin de tout territoire loup-garou pour me laisser mourir de faim, de soif et de froid.

Un hurlement de rage sort de ma gorge et je fais les cent pas pendant je ne sais combien de temps. Je n'ose pas m'avancer de quelques mètres pour apercevoir la route. Et si des humains me trouvaient ? Ou pire encore, des chasseurs ? Envahie par une peur qui me glace le sang, je me recroqueville par terre, contre le portail qui doit bien se foutre de ma gueule.

Des larmes dues à la fatigue montent et coulent librement sur mes joues. Je secoue la tête, exaspérée de ma réaction ridicule avant d'inspirer et d'expirer profondément pour me calmer. Ma quasi nuit blanche et l'éprouvant épisode de la moto ont raison de moi, car au bout de quelques minutes, j'ai beau lutter, mais j'échoue lamentablement : je m'endors dans un endroit que je ne connais pas. Je suis servie telle une petite brebis sans défense au grand méchant loup. Ironique, n'est-ce pas ?

*

Après avoir galéré durant dix minutes, j'ai enfin réussi à caler cette putain de valise entre mes jambes. Puis je me suis tapé près d'une demi-heur de route avec cette poignée en plastique qui me rentrait dans le mollet. Je vais devenir fou, littéralement. Depuis que je l'ai rencontré, tout mon quotidien a changé. Et quand j'y pense, maintenant qu'elle va vivre avec moi, toutes mes habitudes vont être chamboulées.

L'espace d'un instant, je suis pris d'une envie irrésistible de faire demi-tour. Ça serait tellement plus simple, l'abandonner ici et ne plus y revenir. N'était-ce pas mon but, il fut un temps ? Fuir cet endroit et ne plus jamais y penser ?

Pourquoi l'avoir amené ici ? Elle mérite tellement mieux.

Ah, ça faisait longtemps... Mon loup revient à la charge, vénérant cette... fille. Elle n'a rien à voir avec le genre de femme que j'aime. C'est à peine si elle a des formes féminines ! On dirait une enfant qui n'a pas fini sa croissance.

Je sens mon loup s'énerver dans mon esprit. Quelle plaie ! Même lui est totalement abrutisé par ce lien à la con. Sérieusement, pourquoi est-ce que je dois obligatoirement me soumettre à la décision irrationnelle de la Déesse ? J'étais très bien moi, j'étais libre comme l'air, j'avais toutes les filles que je voulais. Et Dieu seul sait à quel point j'en profitais. Je n'avais aucune attache, aucune obligation, aucune raison de revenir... ici.

J'arrête la moto face au portail de cet endroit qui peuple mes cauchemars et en descends. Ce qui se passe devant mes yeux met du temps à arriver à mon cerveau tant la situation est ridicule. Je retire mon casque et m'accroupis pour être à la hauteur d'Hailey. Cette abrutie n'est pas rentrée. Je ne sais même pas quoi en penser.

Peut être que finalement, elle n'était pas destinée à devenir mon âme-soeur, mais la Déesse a eu pitié de sa débilité. Alors peut-être que je suis destiné à l'aider. Serait-ce une mission divine ? Et bien tu sais quoi, "Déesse" ? Va bien te faire mettre. Je suis pas le secours populaire. Les débiles comme elle, on les fout en hospice.

Je soupire et tâte du bout de ma botte sa cuisse, espérant la réveiller. Elle grogne et se met encore plus en boule, si c'est encore possible. Tandis que mon loup admire cette énergumène avec tendresse, je souffle. Je vais devoir la porter. Je vais devoir la toucher, elle, cette fille qui me rend déjà fou. Nom de Dieu !

Je grogne, serre les dents avant de la prendre rapidement dans mes bras. Je donne un coup de pied sur le petit bouton à côté du portail et ce dernier s'ouvre avec un énorme grincement. Hailey fronce les sourcils et se blottit contre moi.

Ma respiration se bloque dans ma gorge. J'ai eu un aperçu de l'odeur irrésistible qu'elle dégage lorsqu'on était sur la moto. Ça a failli détruire le peu de self control que j'ai réussi à acquérir. J'ai si bien tenu jusque là, je ne peux me permettre de tout foutre en l'air.

J'entre enfin dans ce jardin laissé à l'abandon où l'herbe ne pousse plus depuis bien longtemps. J'ignore l'environnement désolant qui m'entoure, sous peine d'avoir de nouveau quinze ans et de redevenir misérable.

Les yeux fixés sur la porte vieillie, j'avance la tête haute, l'oreille sourde aux hurlements d'agonie. Ma gorge se noue et je me rue sur la poignée. La porte s'ouvre sans opposer de résistance et je peux enfin respirer. Le parfum d'Hailey se fraye un chemin jusque dans mes narines et je sens mon loup essayer de prendre le contrôle.

Je m'élance dans les grands escaliers et gravis les marches quatre par quatre avant d'entrer dans la chambre au bout du couloir. L'immense lit est rempli de poussière, mais tampis, il faut absolument que je parte d'ici. Je balance sans délicatesse la louve sur le lit qui émet un nuage de poussière. J'ai le temps d'entendre les protestations d'Hailey qui se réveille avant de sortir de cette maison de l'horreur. 


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Vous l'avez voulu, eh bien il est là, le point de vue du loup solitaire ! 

Aimez-moi, vénérez-moi, ça me plaît ;)

Voilà comment je réagis quand je termine un chapitre ;)

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Voilà comment je réagis quand je termine un chapitre ;)

ça vous casse les couilles hein de pas savoir son nom ? hein ? hein ? 

Lone Wolf (Tome 1 & 2)Where stories live. Discover now