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La nuit venait tout juste de tomber sur Saint-Denis, la lune trônant au milieu du ciel d'encre. Une atmosphère particulière se fraya un chemin jusqu'aux âmes encore éveillées, un sentiment d'interdit.

Nathanaël percevait déjà cette ambiance méconnue, comme une senteur dans l'air. Il s'y conforma, comme tant d'autres, sans vraiment la comprendre. La peur ne le quittait plus, accrochée à son être comme à son cœur. Il avait longtemps marché sans but, au milieu des rues bientôt désertées. Il s'était finalement arrêté ici, sur un de ces bancs qui ornaient le bord de la Seine. Son cours tranquille semblait capable d'hypnotiser quiconque s'y attarderait.

Le métis attendait sans savoir où le mènerait sa patience. Une douleur aiguë traversait ses côtes à chaque mouvement et une migraine tenace venait d'apparaître, s'ajoutant à son fardeau. Il pouvait imaginer des hématomes sur son visage, sans se risquer à constater les dégâts dans une des innombrables vitrines de la ville.

Le temps défilait entre ses doigts ouverts. Il ne retint pas ces grains de sable, les laissant couler puisqu'il n'existait pas d'autres choix. À la manière des eaux calmes, il y voyait le reflet ironique de sa personne. Une sorte de mélancolie l'avait étreint, au détour de la nuit. Il n'avait jamais autant douté qu'à ce moment, celui où les ombres deviendraient réalités. Comme si toutes ces chimères pouvaient prendre vie après le crépuscule afin de tourmenter les âmes paisibles et endormies.

Il retenait toujours ses larmes, encouragé par ce monde en suspens et cette peur maladive. Il encaissa la souffrance et taisait les pleurs avant même qu'ils ne l'ébranlent. Une précaution pour ne plus jamais servir de proie.

— T'es encore là, toi ?

Nathanaël sursauta brutalement, manquant de tomber du banc où il se tenait assis. Derrière lui, la silhouette de Caleb se dessina, moqueuse et provocatrice. Il tenait dans sa main un paquet de cigarettes sur lequel le plus jeune loucha sensiblement.

— T'en veux une ?

— Non, ça va, merci.

L'homme s'accouda à la barrière et fuma longuement sans rien ajouter de plus. Son homologue aurait sans doute souhaité lui fausser compagnie, mais quelque chose le retint là. Certainement une certaine lassitude, une émotion palpable alliée à la douleur.

Le silence revint, à peine perturbé par les passants. Il suffisait de les oublier, de faire abstraction de cette présence envahissante et perpétuelle. Le métis s'y voyait confronté, touché par ce qu'il n'avait alors jamais connu. Un enfant que la vie elle-même avait si longtemps protégé découvrait à présent sa cruauté.

— J'croyais t'avoir dit de partir. Tu n'écoutes rien, hein ? Ça vaudrait mieux pour toi de pas traîner dans le coin.

Nathanaël haussa les épaules, empreint d'une nonchalance factice, quasi ridicule. Où pouvait-il bien aller ? Cette interrogation l'avait maintes fois habité et il n'y trouvait pas la moindre réponse. Il se bornait à fuir, à errer sans but avec toute la lâcheté imaginable. Dans ce bas-monde, il n'existait aucune place portant son nom, c'était là tout ce qu'il y avait à savoir à son sujet.

Caleb, lui aussi, feignait l'indifférence. Il y était bien habitué, le mensonge faisait partie intégrante de son existence. Il observait son cadet du coin de l'œil, bien plus perspicace qu'il pouvait paraître. Il ajouta, volontairement provocateur :

— Mike a raison alors, t'es juste un con avec des penchants suicidaires ? Et ça me fait vraiment chier de lui donner raison, crois-moi !

— Je n'ai juste nulle part où aller, lâcha le jeune homme, du bout des lèvres.

Near the sky Where stories live. Discover now