Aurore 108-16

25 0 0
                                    

Les ronces s'enroulent autour de mes bras et de mes jambes. La sève a laissé un drôle de goût sur ma langue, mi acide, mi sucré. Je ne peux plus bouger. J'ignore comment j'ai pu venir jusqu'ici.

— Aurore ?

C'est Merry, elle est toujours agrippée à une mèche de mes cheveux.

— Ça va, dis-je. Je n'ai toujours pas compris d'où venaient ces ronces.

— Tu veux mon avis ? C'est la barrière que tu as érigée pour te protéger de Maléfique.

— Magnifique...

— Oui. Tu sais, je crois qu'elle est les deux. L'image Maléfique que l'on fuit, et la fée Magnifique que nous sommes toujours incapables de voir. Quoi qu'il en soit, je ne crois pas qu'elle ait pu faire pousser ça.

— Je ne crois pas non plus en avoir été capable.

— Tu as créé des milliers de mondes.

— Des milliers de rêves.

— Les rêves sont puissants, tu sais.

Je la regarde. Elle m'avait manqué. Tellement manqué.

— Regarde, dit-elle. On dirait qu'elles sont mortes.

En effet, la sève a disparu et les tiges de ronce se brisent comme un rien.

J'essaie de ramper jusqu'au phare. Il semble à portée de main.

— Tu crois qu'on a bien fait ? Je demande.

— De se réveiller ?

— Hum...

— Oui, je pense qu'on a bien fait. Magnifique a besoin d'être seule avec Théo.

— Il a dit qu'elle se mourait.

— Il a sûrement raison.

— Je ne peux pas laisser faire ça !

— Tu ne peux pas non plus l'empêcher.

— Je sauvais des fées, avant.

J'en ai sauvé des milliers. Mes parents m'emmenaient les voir. Je leur parlais, je les faisais sourire, et leur lumière se ravivait. Je sentais leur vie qui revenait et elles me faisaient parfois un don pour me remercier. J'ai fait ça jusqu'à à peu près dix ou onze ans. Avec Merry, on s'était disputées. Je ne sais plus pourquoi. J'étais petite alors. Je me disputais avec mes amis pour n'importe quoi, jurant que jamais plus je ne leur adresserai la parole, et le lendemain, nous étions de nouveau inséparables. Avec Merry, c'était un peu différent. C'est elle qui était partie. Je n'ai jamais su pourquoi. Normalement, ce sont les enfants qui partent, abandonnant leur fée. Mais Merry était partie. Juste comme ça, d'une minute à l'autre.

Je me rappelle à quel point j'étais dévastée. Je me disais que si elle ne revenait pas, ma lumière interne allait s'éteindre. J'avais peur de mourir comme meurent les fées : de solitude.

Pendant que Merry était au loin, mes parents m'avaient emmenée au chevet d'une fée pour que je la sauve, comme je l'avais fait pour tant d'autres.

Et pourtant, alors que je savais exactement quoi faire, je n'avais rien pu faire pour elle. J'avais juste pu l'accompagner pendant que sa lumière s'éteignait.

J'y repense souvent.

Fortune, elle s'appelait. Je n'oublierai jamais son nom. Ce jour-là, je lui ai promis que je ne cesserai jamais de croire aux fées.

J'ai tenu ma promesse. Je crois toujours en elles.

Pourtant, après cet épisode, je n'en ai plus sauvé aucune.

SplendeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant