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La pluie tambourinait contre le pare-brise, remplissant la petite voiture d'une cacophonie désordonnée, qui empêchait toute discussion? De toute façon, de discussion, il n'y en avait aucune, et ce avant même que l'orage éclate dans le ciel. Les seuls bruits qui avaient brisé le silence au début du voyage étaient les incessantes questions de Éva:

« Matt, dis-moi, on va où là? »

Mais devant le mutisme de son chauffeur, la jeune fille s'était résignée. Accoudée sur le rebord de la fenêtre, elle regardait le paysage défiler nostalgiquement, en essayant de graver le moindre détail dans sa mémoire. Elle était résolue à emporter le plus de choses avec elle dans sa tombe – le plus d'images possibles, le plus de souvenirs...

Serein Matthew conduisait les yeux légèrement plissés, tentant de distinguer la route brouillée par la tempête. Le ciel se déchirait au-dessus de leurs têtes. Mais Éva se sentait en sécurité. Elle se sentait en sécurité aux côtés de ce garçon qu'elle ne connaissait que depuis quelques jours à peine et qui lui avait fait faire un petit tas de trucs dingues sans qu'elle donne vraiment son accord – comme par exemple sa présence dans cette vieille berlingue.

Quand la pluie torrentielle devint vraiment trop violente, Matt préféra s'arrêter sur le bas-côté, attendant que la foudre divine se calme un peu. Et, quand un éclair de feu déchira le ciel juste sous leurs yeux dans un bruit tonitruant qui les assourdit quelques instants, Éva déclara:

« Je veux aller courir sous la pluie.

– T'es si pressée que ça de clamser princesse? »

Pour seule réponse, elle lui répondit par un regard des plus sérieux. Elle, ne rigolait pas. Alors Matt perdit son sourire taquin, battit lentement des paupières en prenant une profonde goulée d'air, puis dans un même geste, coupa le moteur et ouvrit sa portière.

« Qu'est-ce qui lui prend encore à ce grand fou? se demanda la malade en observant son ami contourner la voiture en rentrant la tête dans ses épaules, dans une vaine tentative de faire face à la pluie menaçante. »

Avant même de comprendre ce qui se passait, elle se retrouva dehors, agressée par une pluie violente, et glaciale. Ses bras étaient noués autour du cou de son compagnon, qui la portait comme une princesse.

Puis, toujours dans ce même silence que la tempête imposait, Matthew se mit à courir. Éva n'avait plus de jambes, mais elle se sentait courir. Elle ressentait le choc de chaque foulée tendis que le garçon se mettait à accélérer. Les conditions climatiques avaient plongé le monde dans l'obscurité la plus totale et rendu le terrain plus glissant que jamais. La chute semblait évidente. Mais Éva s'en foutait. Elle courait, elle courait sous la pluie dont les gouttes la piquaient comme une nuée d'insectes. Elle dansait avec les éclairs, profitant de la lumière qu'ils procuraient pour observer son porteur. Observer ce gars qui ne la connaissait même pas et qui s'était jeté dans ce déluge juste pour elle.

Alors, enivrée, elle ne put retenir un cri. C'était un cri de joie, rapidement étouffé par le tonnerre.


Until The ApocalypseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant