35. home sweet home

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Le bout de mes doigts me démange au fur et à mesure que je prends la direction de chez Anton. Dans le fond de mon être, je sens la culpabilité ronger peu à peu chaque morceau de chair qui lui tombe sous le nez, comme un cafard qui gratte les murs. Pourtant, la peine que je ressens à l'intérieur, je le sais, ne trouvera la paix qu'auprès d'une seule personne.

Maintenant que j'y pense, il y a peu de personnes qui comptent réellement dans ma vie, et aucune ne fait réellement partie de ma famille. Je peux même les compter sur les doigts de la main. Et je viens de me disputer avec l'une d'entre elle, sans parler d'une autre que j'ai royalement abandonnée derrière moi il y a à peine une dizaine de minutes. Pourquoi ais-je l'impression de ne rien faire comme il faut ?

J'arrive en bas de l'immeuble d'Eden, et mes questions habituelles reviennent me hanter, cette pointe d'anxiété qui me dévore à chaque fois. Je ne l'ai pas prévenu que je venais, a-t-il appelé Danny entre temps ? Anton et Joly sont-ils rentrés ? Est-ce réellement une bonne idée d'aller le voir après ma dispute avec Jonas et avoir laissé Shelly rentrer chez elle juste parce que je ne supportais plus son visage et son air désolé – ni ses « Jonas est un con, il a été toujours été comme ça, carrément égoïste ».

Je pose mon front contre l'interphone en fermant les yeux et en prenant une grande inspiration. Au bout de plusieurs minutes, je ne me sens toujours pas calmé, et pourtant, je n'en peux plus et appuie sur le bouton. La tonalité d'appel résonne, et lorsqu'enfin quelqu'un décroche, j'attends la fin du grésillement pour parler :

- C'est moi... C'est Solly, j'veux dire.

On raccroche sans rien dire, et le bip sonore de la porte me fait sursauter. Je tends la main pour intercepter la porte avant qu'elle ne se ferme, mais j'ai une seconde d'hésitation. Pourquoi personne n'a parlé ?

J'avale ma salive et décide, un peu naïvement, qu'une fois que j'aurai franchi cette porte, je laisserai tous mes problèmes derrière moi. La bonne blague. Je monte les marches jusqu'à l'ascenseur encore envahi par des tonnes de questions qui n'ont clairement aucun sens, et qui me font paniquer alors que la situation n'a rien de grave. Dans l'ascenseur, je me ronge les ongles en essayant de réfléchir logiquement. Jonas s'excusera peut-être, ou alors je le ferai. Oui, je le ferai, il est mon meilleur ami. Mais je n'ai pas à m'excuser. Peut-être par rapport à ce que je lui ai dis concernant Lys, mais c'était aussi la vérité. On peut s'excuser quand on dit la vérité ? On doit s'excuser quand on blesse quelqu'un. Il doit s'excuser aussi. Dois-je attendre qui le fasse ? Qui est celui qui doit s'excuser en premier ?

L'ascenseur se stabilise à l'étage de l'appartement d'Anton, et je reprends une grande inspiration. On peut dire que mes poumons sont nettoyés à force de respirer comme une baleine. Lorsque je pousse la porte, je suis surpris de voir que la lumière est allumée mais que la cage d'escaliers est déserte. Suspicieux, je descends doucement les quelques marches qui mènent sur le pallier, et là, je découvre la porte de l'appartement ouverte. Je jette un regard derrière moi et hésite à entrer sans y être invité. Je frappe à la porte, le couloir est plongé dans la pénombre et je peux voir une légère lumière bleutée – la télé – parvenir du salon.

- Eden ? appelé-je.

Je toussote, pour me donner du courage, ou pour faire apparaître quelqu'un qui remarquerait enfin ma présence, et je fais un pas dans l'appartement. Une fois dans le couloir, la lumière dans le couloir s'éteint et une boule de frayeur se forme dans mon ventre.

- Eden ? murmuré-je.

J'entends mon cœur cogner dans ma poitrine, et mon corps est si tendu que chaque pas me fait un peu plus ressembler à un zombi qui aurait perdu les deux jambes.

Pour que tu m'aimes encoreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant