7. retranchements

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Dire que j'ai envie de m'enfuir serait un euphémisme. Cette soirée est une catastrophe, et j'ai réellement envie de prendre mes jambes à mon cou. Tout aurait pu très bien se passer si je m'étais juste contenté de discuter avec Anton, et que je n'avais pas cherché plus loin. Je finis à l'exact endroit où je ne voulais pas être : seul au bar. C'est comme un coup de poignard que je me serais affligé moi-même. Regarde à quel point tu es prévisible.

Et en plus de ça, je suis trop énervé pour rentrer sereinement chez moi. Le coup de stresse qui a monté à cause de mon entrevue avec Eden m'empêche de rentrer dans mon appartement et de m'enfermer à l'intérieur. Je me vois mal me retrouver dans une cage à poule (c'est de cette façon que je vois mon minuscule appartement), et commencer à tourner en rond, ce serait d'ailleurs impossible tellement il est petit. Et le pire, c'est que je ne sais même pas ce qui m'énerve. Je crois que dans un sens, si je reste encore ici, c'est pour ressasser cette soirée encore et encore jusqu'à ce que je trouve ce qui me met hors de moi.

Aujourd'hui, je ne pense pas que l'alcool soit une solution, parce que plus j'écume mon verre, plus je me sens de mauvaise humeur. Je n'ai jamais vraiment eu l'alcool mauvais mais il semblerait qu'il y ait une première fois pour tout. Je me demande, si jamais je bois trop, est-ce que je vais finir par aller pousser une gueulante contre quelqu'un ? Je suis d'une humeur massacrante, et l'alcool a tendance à libérer, alors ce serait fort probable. Ce n'est sûrement pas la meilleure façon de se faire des amis, mais que voulez-vous, je vais finir par penser que je suis mauvais à ce jeu.

Alors que je suis là à ruminer tout seul, quelqu'un finit par me tapoter sur l'épaule, et je suis presque trop surpris pour bouger. Qui oserait venir me parler dans ce genre de circonstance ? Je me tourne lentement pour découvrir un visage qui ne m'est pas si inconnu que ça. La fille à côté de laquelle j'étais assis le jour de la réunion d'entrée. Elle s'accoude au bar, et plisse ses petits yeux clairs en me regardant.

- On était assis l'un à côté de l'autre, l'autre jour, tu te souviens ou pas ? dit-elle sur un ton sec qui me surprend.

En soit, cette fille est plutôt jolie, mais je n'avais pas remarqué le premier jour le visage dur qu'elle arbore. Ses longs cheveux que j'avais pris pour un brun foncé, ont en réalité des reflets violets, et je n'avais pas fait attention que sous sa veste en cuir, elle avait un look très prononcé. Aujourd'hui, elle porte une robe bleu ciel avec une énorme ceinture rouge à la taille. Elle ressemble à une pin-up sortant tout droit des années 70.

- Si...

Je me demande si le fait que nous soyons assis l'un à côté de l'autre à ce moment là est une assez bonne excuse pour venir me parler. Et je me rappelle que je ne devrais pas commencer à faire le difficile, étant donné qu'elle a été la seule à m'approcher de la soirée, et qu'à la base, je suis venu ici dans le but de me faire des amis.

- Moi c'est Lys.

En soit, je sais que je devrais être content que quelqu'un fasse enfin la démarche pour venir me parler, parce que de une, je n'étais pas d'humeur à le faire, et deux, j'aurais été trop timide pour le faire de toute façon. Mais, honnêtement, cette fille me fait peur. Elle me semble vraiment très rude, et la façon dont elle parle me donne l'impression d'avoir face à moi je ne sais quel lieutenant militaire. Cette fille a trop de prestance pour moi.

- Et toi ? me demande-t-elle en se tournant subitement vers moi.

Je prends alors conscience que j'avais le regard fixé sur elle et la bouche à moitié ouverte, incapable de faire un son. J'avale alors ma salive, et détourne les yeux, pris en flagrant délit. Sa confiance en elle me submerge totalement, comme une vague, pire, comme un tsunami, ça me coupe le souffle. Ce n'est pas facile de trouver des caractères qui correspondent au sien, comme il est tout autant difficile de trouver une âme qui puisse marcher aux côtés de la sienne tout en concordant parfaitement. Heureusement, j'ai trouvé cette âme avec Shelly. Nos deux âmes sont si lisses qu'elles glissent l'une sur l'autre avec grâce, et c'est si agréable que j'en oublierais mes soucis à chaque fois que je la vois. C'est sans aucun doute ce qu'on appelle l'amour, et je me sens en sécurité chaque fois que je sais que j'ai quelqu'un avec une telle âme près de moi.

Pour que tu m'aimes encoreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant