Épisode n°2, partie 1.

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Les douze coups de sept heures retentirent dans la maison des Dawson, éveillant immédiatement leur instinct d'écolier. Les trois adolescents ne mirent pas plus de dix minutes à se préparer, impatients de dévorer leur premier petit déjeuner de l'année. Dans la cuisine, Carla aux fourneaux, affichait un grand sourire sur son visage fatigué des événements de la veille.

Dans la cuisine imprégnée des rayons du soleil levant, personne ne remarqua la satisfaction dans laquelle étaient baignées ses iris bleues. Elle déposa un baiser sur les tempes de ses deux enfants avant de s'attarder sur sa nièce.

— Prête ?

— Pas le choix, répondit Marie en haussant les épaules.

— Tout va très bien se passer, j'en suis sûre. Au fait, Gabriella, Darel va bien. Les médecins se sont occupés à temps de sa plaie, il est hors de danger.

Bien que l'intéressée ne répondit pas à cette nouvelle, l'on sentait sa joie à travers la cuisine, noyée dans une odeur de pancakes et de sirop d'érable. Sans qu'ils s'en rendent réellement compte, leur année scolaire venait de commencer sur une note agréablement sucrée. Mais le sucre n'était-il pas la cause de nombreux décès, dus à sa substance mielleuse et collante ? Les apparences sont parfois bien trompeuses. Derrière la plus aimante des personnes peut se cacher le plus abominable meurtrier. Cependant, l'inverse se produit rarement. Le malfaiteur ne redevient plus ce qu'il avait pu être auparavant, à son plus grand désespoir. Les masques sont bien utiles en temps d'urgence, mais en cas de chute, mieux vaut être armé.

Un petit coup d'oeil à leur téléphone portable leur indiqua qu'il était temps de partir. Avant de s'aventurer dans la rue encore plongée dans le brouillard matinal épais, Marie effectua quelques tours de vérification devant le miroir. Ses cheveux noués en un chignon déstructuré faisait ressortir ses yeux légèrement en amande. Son pull-over framboise s'accordait parfaitement avec son pantalon noir et ses bottines camel. Elle était tellement captivée par son propre reflet qu'elle ne remarqua pas Adrien lui faire de grands signes sur le seuil de la porte.

— Eh oh, on va être en retard, mademoiselle. Ce n'est pas toi qui conduis, que je sache.

— Roh, mais quel rabat-joie, celui-là. Tu devrais t'estimer heureux d'avoir une cousine aussi jolie.

Adrien leva les yeux au ciel en soupirant pour toute réponse, avant de prendre la route.

Arrivés devant l'établissement, le jeune homme gara la voiture sur le parking et, immédiatement, une bande de molosses aussi baraqués que lui débarquèrent.

— Bon, les filles, je vous laisse. On se voit à la cantine ?

— Oublie ça. On mange entre filles, ce midi.

— Comme vous voulez !

Il repartit auprès de ses camarades, sans se retourner. Une fois seules, les deux cousines partirent en vadrouille dans les couloirs du lycée, direction le gymnase principal, où étaient affichées les classes. Par chance, Marie allait passer l'année avec Gabriella. Une fois leur coup d'oeil jeté à ce morceau de papier précieux, la sonnerie retentit. La première leçon fut deux heures de biologie, les plus longues auxquelles Marie n'ait jamais assisté. À la fin du cours, Marie se précipita sur sa cousine.

— Ce qu'il peut être barbant, ce prof.

— Et encore, tu n'as jamais vu notre chère professeur d'anglais, madame Joseph ! 

— Non, mais j'ai hâte de faire sa connaissance.

Gabriella esquissa un mince sourire, alors que les deux cousines se rendaient à leur prochain cours, une heure de philosophie. L'enseignant n'étant pas encore arrivé, Gabriella et Marie attendirent quelques instants devant la salle, devant laquelle grouillaient un tas d'élèves perturbant.

— Au fait, je voulais vraiment m'excuser, pour hier soir, fit alors Gabriella, lèvres pincées.

— Je t'ai déjà dis que tu n'avais pas à t'en faire. Et puis, le plus important, c'est que Darel va bien, non ? 

— Oui, tu as raison... J'espère qu'il reviendra vite au lycée. Je lui réserverais une place au club de basket cet après-midi, tu viendras avec moi ? Comme ça on pourra s'inscrire, nous aussi. 

— Au basket ?! T'as pris un coup sur la tête, ou quoi ? 

— Non, bien sûr que non. Pour ma part, j'ai déjà prévu de rejoindre l'équipe des pom-pom girl, alors si tu veux tu pourras passer l'audition avec moi. 

— Ce serait super, mais le sport, ce n'est vraiment pas mon truc. Il n'y aurait pas une activité plus calme mais tout aussi sympathique ?

 — Tu pourrais postuler pour bosser à la cupcake factory ? Les élèves qui y bossent se chargent des gâteaux les jours de match, tel qu'il soit. Le reste du temps, ils le passent à la boutique, à deux pas du lycée. 

— Je crois que ce job est fait pour moi ! s'enthousiasma Marie. Alors que Gabriella s'apprêtait à répondre à sa cousine, les élèves entrèrent dans la salle, sagement placés les uns derrière les autres. Marie et Gabriella s'installèrent vers le milieu de la salle de classe, dissimulées derrières suffisamment de tables pour que monsieur Maxwell ne les entende pas murmurer. 

— On verra ça tout à l'heure, répondit Gabriella. Pour l'instant, écoute ce que notre supérieur a de si intéressant à nous dire. Le maître de la philosophie est parmi nous !

Cette réflexion fit pouffer Marie, attirant l'attention de l'enseignant sur elle. Il s'approcha de l'adolescente en la fixant d'un air grave, les bras croisés sous sa poitrine. Sous son crâne dégarni et ses yeux surplombés de sourcils d'une épaisseur étonnante, monsieur Maxwelle n'avait rien d'un personnage accueillant.

— Mademoiselle Moon, s'exclama-t-il, haussant la voix. Votre arrivée est tout à fait honorable pour notre établissement, mais les éléments perturbateurs ne nous intéressent pas.

 — C'est dommage, parce que la philo, contrairement à ce que l'on pourrait croire, m'intéresse ! — Que diriez-vous de changer de place, hm ? Loin de votre amie, les heures que nous allons passer ensemble vous paraîtront plus divertissante. 

— En fait, monsieur Maxwell, sauf votre respect de professeur, j'aimerais rester à ma place. Parce que, finalement, qu'est-ce que le bonheur de ne pas changer de place ? C'est de pouvoir apprécier la matière que l'on étudie tout en débattant de manière spontanée avec la classe.

 — Eh bien, mademoiselle Moon, sauf votre respect d'étudiante insolente, je vous colle une heure de retenue samedi matin. Et, puisque vous m'avez démontré un certain intérêt pour les débats philosophiques, venez donc vous asseoir au premier rang, à côté de mademoiselle Dillon.

Marie soupira, traînant des pieds jusqu'à sa nouvelle place. Déjà fatiguée de cette première journée, l'adolescente n'écoutait qu'à moitié ce que racontait monsieur Maxwelle pendant son cours, bien que le sujet principal fut intéressant ; les masques sont-ils réellement des camouflages identitaires ?

En écoutant monsieur Maxwell parler, les deux cousines ainsi que le reste de la classe ne se doutaient pas un seul instant que cette question des plus véridiques s'avérait être le départ d'une aventure gargantuesque. Les trente paires d'yeux braquées sur le tableau à cette heure de la journée allaient bientôt être confrontées à un drame sans pareil. Simplement, ce qu'il manquait au mystère de faire effraction parmi ces jeunes lycéens, n'était que le temps. Le temps manque toujours à quiconque désire s'en servir, et se montre parfois cruel avec ceux qui l'utilisent avec rancœur.  

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