Épisode n° 2, partie 3.

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Devant les portes du commissariat de la ville, Gabriella hésitait, sous la pluie battante qui s'abattait sur son visage angélique. Dans quelques minutes elle allait se retrouver face à l'homme de toutes les décisions, celui qui déciderait de l'immunité de Darel si elle mentait, ou qui se chargerait de son emprisonnement si elle avouait. La jeune fille inspira un bon coup en voyant les dizaine de personnes entrer et sortir du bâtiment et prit son courage à deux mains. Elle déclara sa présence à l'accueil auprès d'une hôtesse peu avenante avant de s'installer dans la salle d'attente.
Plusieurs personnes avaient l'air toutes aussi angoissées qu'elle. Les mains posées sur ses genoux tremblants, l'adolescente commençait à perdre patience. Et alors qu'elle pensait être au bout du rouleau, un homme vint s'asseoir à côté d'elle. Grand, à la carrure impressionnante. Gabriella n'osa pas plonger ses yeux dans les siens, connaissant parfaitement l'effet qu'ils lui renvoyaient. Elle préféra fixer le sol en soupirant, désespérée.
— Salut, ma belle.
La jeune fille se crispa à l'écoute de ces mots. Elle aurait reconnu cette voix mielleuse entre mille, à son plus grand malheur.
— Salut, Josh. Qu'est-ce que tu viens faire ici ? répondit Gabriella, s'efforçant de ne laisser transparaître aucune émotion.
— J'attends que mon père termine sa journée, expliqua-t-il. Tu es la dernière qu'il va interroger aujourd'hui. J'espère que tu es prête.
— De quoi est-ce que tu te mêles, Josh ? Occupe-toi de tes affaires.
— Je crois que cette affaire me concerne aussi, non ?
L'adolescente se sentit obligée de lever la tête, planta un regard assassin dans les yeux du jeune homme. Les cheveux cuivrés, un regard puissant dissimulé sous ses iris dorées. En le regardant ne serait-ce que quelques secondes, une cascade de souvenirs malsains traversa l'esprit de Gabriella, l'obligeant à détourner le regard. Elle ne tenait pas à se rappeler ce qu'ils avaient vécus ensemble. Une boule se forma dans sa gorge. La jeune fille serra les poings, tentant tant bien que mal de contenir sa colère.
— Maintenant que Darel est à l'hôpital, tu ne vois pas d'inconvénient à ce que l'on traîne davantage ensemble, pas vrai ?
Gabriella déblaya la remarque déplacée du jeune homme d'un revers de main, ignorant son attitude bestiale. Alors qu'elle s'apprêtait à répliquer de manière venimeuse, une voix dans l'interphone du commissariat retentit autour d'eux :
— Mademoiselle Gabriella Dawson est attendue dans le bureau de monsieur Erickson, annonça-t-elle avant de s'éteindre dans un grésillement.
— Je dois y aller, signala-t-elle, soulagée. À Jamais, je l'espère. Pourriture.
— Ce n'est pas ce que tu disais quelques semaines plus tôt, lui rappela Josh d'un air malicieux.
La jeune fille se leva sans un regard à l'adolescent, contrariée par cette dernière réflexion. Elle trouva inutile de répliquer, connaissant son caractère compulsif. Bien qu'elle s'efforça de l'ignorer, elle sentait ses yeux ambrés la suivre. Elle pressa donc le pas, gênée, ne tenant pas à attirer davantage l'attention du jeune homme.
— Bonne chance, princesse, lança-t-il avant que l'adolescente ne s'engouffre dans les couloirs de la gendarmerie. On se revoit au lycée.
Le shérif Erickson l'attendait patiemment derrière son bureau de bois vernis, sur lequel étaient éparpillés plusieurs feuilles et objets décoratifs étranges. L'homme lui serra la main avec fermeté et l'invita à s'asseoir d'une voix assurée.
— Bonsoir, Gabriella. Comment te sens-tu ?
— Fatiguée, répondit la jeune fille.
— C'est tout à fait normal, affirma le shérif, s'affalant au fond de sa chaise. Tu as des nouvelles de Darel, depuis hier soir ?
— Ma mère dit qu'il va bien. Elle est restée avec toute la nuit, avoua Gabriella.
— C'est honorable de sa part.
Un moment de silence s'installa entre les deux partis, implacable. Des échanges de regards, une once de soupçon dans l'atmosphère. Gabriella se sentait de plus en plus anxieuse.
— Je sais que ça ne doit pas être facile pour toi, mais est-ce que tu pourrais me raconter ce qu'il s'est exactement passé hier soir, sur le parking du Choknilla ?
Cette question fit bondir le coeur de l'adolescente dans sa poitrine. Elle s'attendait évidemment à devoir dévoiler des informations au shérif, mais elle seule connaissait la strict vérité de toute cette histoire. La sueur perlant sur ses tempes, son pouls doublant de vitesse, Gabriella hocha positivement la tête.
— Oui, je vais tout vous expliquer.
Le shérif sortit un bloc-notes de son bureau et tendit l'oreille, attentif. Gabriella commença ses explications, dans une pièce partagée entre l'incertitude d'une adolescente et les soupçons d'un enquêteur mal entouré.

Chez les Dawson, Adrien effectuait sa séance de sport habituelle pendant que Marie faisait ses devoirs sur la table du salon. La musique l'aidait à se concentrer, et la présence de son cousin la rassurait. Carla étant partie faire les courses, les deux adolescents se retrouvèrent seuls entre quatre murs.
Depuis le début de la soirée, Marie avait remarqué l'air songeur de son cousin. Elle n'avait pas osé lui poser de question lorsque Gabriella était dans les parages, mais maintenant qu'ils étaient seuls, la jeune fille se lança.
— Tout va bien ?
L'adolescent releva la tête, surpris.
— Oui, pourquoi cela ? demanda-t-il en baissant le volume de la musique.
— Je ne sais pas, tu as l'air bizarre.
— J'essaye juste de me concentrer sur ma respiration. En général, ça marche mieux avec de la musique. Je suis le tempo.
— Je suis d'accord avec toi sur ce point, déclara Marie, l'air suspicieuse. T'es sûr qu'il n'y a rien d'autre ? Tu as vu Léonard, ce matin ?
— Non... Il n'est pas venu. On m'avait dit qu'il serait en retard, mais il ne s'est jamais présenté à l'entraînement.
— Ah, c'est pour ça que tu es dans cet état ! S'il te manque à ce point, tu n'as qu'à lui envoyer un message.
Adrien attrapa sa serviette éponge roulée en boule sur le canapé et rejoignit sa cousine sur la table rectangulaire de la salle à manger.
— Et si jamais il me remballe ? Imagine qu'il montre mon SMS à tout le monde... J'aurais l'air de quoi, moi, hein ?
— D'un mec qui assume sa nature.
Ces paroles philosophiques agirent comme un coup de poing en plein ventre chez le jeune homme, qui plongea des yeux intenses dans ceux de sa cousine. Après tout, elle avait peut-être raison. Que perdrait-il, en osant lui avouer ses sentiments ? Léonard s'était montré plutôt réceptif lors de cette fameuse soirée. Il était impossible qu'il ait oublié l'intensité qui envahissait la pièce lors de leurs ébats, Adrien en était certain. En tout cas lui en avait payé le prix, ses souvenirs persistaient encore et toujours au plus profond de son âme.
Prit d'une vague d'enthousiasme, le jeune homme sortit son téléphone portable de sa poche, le dévérouilla et prépara son texte, sous l'aide précieuse de Marie. Alors qu'il s'apprêtait à appuyer sur le bouton "envoyer", la porte d'entrée s'ouvrit dans un mouvement brusque. Carla venait de faire son entrée fracassante dans l'entrée, les bras chargés de sacs de course, suivie de près par Gabriella, blême. Adrien et Marie observèrent la scène avec interrogation, attendant que Carla soit dans une autre pièce pour questionner l'adolescente du regard. Cette dernière ne divulgua malheureusement aucune de ses émotions, impassible.
Le silence qui venait tout juste de s'installer dans le salon des Dawson attira l'attention de la doyenne.
— Je dérange, ou quoi ? beugla Carla depuis la cuisine. Surtout, ne vous battez pas !
— J'arrive, m'man ! hurla Adrien en levant les yeux au ciel. On continuera plus tard, murmura-t-il à sa cousine.
Pendant que Carla et Adrien rangeaient les courses, Marie tenta tant bien que mal d'obtenir des informations sur l'entretien de Gabriella avec le shérif, mais cette dernière n'eut pas l'air de vouloir coopérer. Les trois adolescents passèrent donc la soirée devant la télévision à se goinfrer de cochonneries, comme l'avait promis Marie, devant Netflix.
La maison des Dawson était plongée dans une ambiance crispée, ce soir-là. Bien que la bonne humeur fut au rendez-vous, tous connaissaient le véritable état d'âme de chacun de ses résidents. La nuit fut compliquée pour eux, peuplée de cauchemars et d'interrogations nuisibles. Gabriella repensant à sa rencontre imprévue avec Josh, Adrien bloqué devant son écran de téléphone, Carla toujours aussi satisfaite des derniers événements. Quant à Marie, ombre grise au beau milieu de toutes ces hostilités, allait bientôt être confrontée à un problème majeur des plus machiavéliques.
Une fille aux cheveux cendrés, au regard assassin et aux lèvres colorées serait la cause de cette affaire déplaisante...

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⏰ Last updated: Aug 03, 2018 ⏰

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