Épisode n°1, partie 1.

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Si cette histoire était une série, la première scène représenterait un café noyé dans les néons colorés bordant ses murs abîmés. La caméra se pencherait plus particulièrement sur une table tamise dans le fond, autour de laquelle discuterait un trio inattendu. Une tante ravie d'avoir retrouvé sa nièce, un fils pour le moins nerveux de retrouver ses camarades de classe le lendemain, et une jeune fille au regard perdu dans sa tasse de chocolat, s'interrogeant sur l'année à venir.

Ce n'était pas la première fois que Marie se rendait à Ossining. Elle avait l'habitude d'y séjourner pendant les fêtes, ou parfois aux vacances d'été. Pourtant, c'est comme si elle redécouvrait sans arrêt le monde qui l'entourait et parvenait à observer d'un regard différent les remparts de cette ville imparfaite. Et derrière les vitres poussiéreuses du café dans lequel les Dawson venaient de s'installer, la jeune fille percevait d'un mauvais œil les paysages sombres et lugubres qu'offrait ce pays.

Malgré l'obscurité qui semblait envahir l'adolescente ce soir-là, une touche d'espoir s'alluma dans ses rétines lorsque le serveur lui apporta son assiette dans laquelle siégeait sagement un cheeseburger débordant de fromage.

— Merci, dit-elle, ravie.

— Il vous fallait autre chose ? questionna le serveur, armé de son bloc-notes.

— Un milkshake à la vanille, s'il vous plaît, s'empressa de répondre le jeune homme assis en face de la jeune fille.

Adrien, le cousin de Marie, était le seul qui comprenait réellement ce qu'elle ressentait parfois lorsqu'elle venait ici. Il lui avait fait part de ses nombreux secrets et savait qu'il pourrait toujours avoir confiance en elle. L'adolescent était tellement timide qu'il ne parlait jamais de ses sentiments à quiconque, de peur d'être rejeté ou d'être pris pour un idiot. Marie, bien qu'habitant à l'autre bout de la planète, au fin fond d'un petit village français, comprenait le moindre de ses désagréments mentaux. N'ayant pas d'ami proche, l'oreille attentive que lui prêtait sa cousine lui offrait un grand réconfort. Bien que traînant tous les jours avec son équipe de foot, le jeune homme ne préférait ne pas se livrer à cœur ouvert, redoutant la réaction de ses camarades.

L'adolescent voyait en la venue de Marie une sorte d'échappatoire, comme un cadeau de Noël.

Lorsqu'il la vit se jeter sur son hamburger, le jeune homme ne put réprimer un sourire.

— T'as pas mangé depuis combien de temps ?

— Je viens de faire neuf heures d'avion, répliqua-t-elle, la bouche pleine. Tu aurais réagit comment à ma place, hein ? En plus, leurs plats préparés sont dégueulasses. Je me suis retenue de le jeter devant l'hôtesse.

— Je comprends mieux, alors ! 

— C'est ça. Je te prierais de ne pas te moquer de moi.

— Je ne me moque pas, répliqua-t-il. Je ne fais qu'affirmer les faits. D'ailleurs, t'aurais pas pris des hanches, ces derniers mois ?

— Imbécile ! 

— Moi aussi, je t'aime.

À ces mots, le serveur revint les bras chargés de verres vides et pleins. Il déposa expressément un grand gobelet garni de glace, fourmillant de copeaux de chocolat, le tout orné d'une cerise confite sur le dessus. Il repartit immédiatement dans les couloirs de la salle pleine.  Adrien attaqua rapidement son précieux, sous les yeux improbateurs de sa mère.

— Adrien, voyons. 

— Quoi ? râla-t-il.

— Tu as déjà pris trois kilos, ce mois-ci. Tu devrais faire attention.

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