Chapitre 1 - Adèle

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Je préparais mes malles dans le but de prendre le bateau au port de Suez, en partance pour Bombay. Enfin, j'allais rentrer chez moi après avoir conclu quelques affaires, les premières dans le domaine de la vente d'Antiquités depuis que j'étais seule. Autrefois, cette fonction revenait à mon époux, son décès en plus de me plonger dans le chagrin d'avoir perdu un être adorable et protecteur, me fit hériter de tout. De sa fortune, de sa passion, de sa fonction de spécialiste en égyptologie et en art hindou.

Je ne possédais pas l'entièreté de ses connaissances, ce n'était pas à mon âge que cela aurait été possible, mais après cinq années à ses côtés, je pouvais me vanter d'être capable de différencier une véritable pièce d'une pâle copie, l'estimer et la négocier.

Mon époux était britannique, tandis que j'étais née dans la capitale française. La situation en France lorsqu'il croisa ma route n'était pas vraiment du côté des royalistes, tel que l'étaient mes parents soutenant alors l'avènement de Louis-Philippe. À Paris, les émeutes s'étaient déclarées et ils craignirent qu'une nouvelle révolution telle que celle qui coûta la tête à de nombreux nobles en 1789 ne fasse son sanglant retour. Ils m'avaient confiés à cet homme alors que je n'étais âgée que de seize ans afin qu'il m'emmène avec lui et que j'y réchappe.

Cela ne se passa pas vraiment tel qu'ils l'avaient craint, mais la chose était faite, j'étais mariée à un homme dont le nombre des années pouvait aisément le faire passer pour mon grand-père. Il séjournait la plupart du temps à Bombay, se déplaçant régulièrement au Caire et moins en Europe. Si je l'avais craint au départ, dégoutée d'être sa jeune épousée ensuite, ce sentiment fit place à une admiration immense ainsi qu'une folle tendresse.

Sa gentillesse et son respect à mon égard n'avaient d'égal que sa fougue en affaires. C'était de cette manière qu'il avait accumulé une fortune conséquente, trouvant et marchandant des œuvres et divers objets datant d'un autre âge auprès de collectionneurs ou de musées. Il m'avait transmis sa passion et je le suivais alors sans rechigner dans toutes ses démarches. Apprenant de lui puis le secondant avec le temps.

J'espérais prendre le bateau à vapeur, plus rapide, mais j'arrivai en retard, il n'était plus là. Ne restait qu'une solution si je ne voulais pas demeurer des jours à quai, prendre un bateau marchand. Le trajet serait bien plus long puisqu'il devrait régulièrement s'approvisionner, mais c'était là mon seul espoir.

Ce fut également la pire décision à prendre pour une femme voyageant seule.

J'avais déjà entendu parler de bandits et d'attaques en mer, mais naïvement je ne pensais pas que cela se pouvait dans ces eaux. Non seulement ils dévalisèrent ces pauvres bougres, mais ils me volèrent ma bourse, obtenue après des heures de négociations.

Dès le départ, j'avais craint pour ma vie. Je fus à demi rassurée lorsqu'ils emmenèrent les plus valides, dont moi à bord de leur navire. Ensuite pour ma vertu. Préservée malgré mes noces, mon époux étant très tendre, mais incapable de m'honorer, j'en étais toujours pourvue. Elle fut mon salut. Elle ainsi que ma jeunesse. Lorsque les marins conclurent de me passer de main en main, je leur hurlai alors que je leur serais plus utile intacte. Cela eut l'effet escompté et leur chef ordonna que personne ne me touche. Par contre, ils me confièrent à une sorte de mégère dès leur arrivée à terre. Celle-ci confirmant mes dires. J'étais bien vierge et serais vendue comme telle, leur rapportant dès lors une grosse somme d'argent.

Je songeai alors à toutes les possibilités. M'enfuir ou négocier avec celui qui me remporterait. J'étais riche, mon nom pouvait le prouver, je tenterais de me racheter.

La femme de l'antiquaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant