Le goût du bonheur

Chapitre 5 :

Les deux personnages passèrent les grandes portes de l'opéra, souriant de leurs subterfuges, mais heureux de la soirée qui s'annonçait.

Le spectacle fut extraordinaire, c'était le premier opéra de Laure, et elle regretta de ne pas avoir les moyens de s'y rendre régulièrement. Dans l'incapacité de noter son ressenti,  elle essaya d'enregistrer chaque moment fort dans sa mémoire.
Harvey avait vu juste: plusieurs visages curieux détaillèrent la jeune femme pendant le spectacle.
Le vieil homme fit mine de ne rien remarquer, mais le rictus sur son visage parlait pour lui, il était fier d'être accompagné.
Dès la sortie, le tandem se fit alpaguer plusieurs fois par des couples d'un certain âge qui n'en revenaient pas de voir ce vieil Harvey en si bonne compagnie.
-Je vous présente ma Betty, disait-il en souriant de toutes ses dents, et Laure approuvait vigoureusement de la tête.
-Tu as donc laissé poireauter ta propre petite fille devant cet endroit intimidant pour, à ton habitude, arriver en retard? S'égosilla une mégère aux cheveux blancs.
-C'est de ma faute, je connais grand-père, et je suis quand même arrivée très en avance...
-Mais qu'elle est délicieuse... Elle n'a pas du hérité de tes gênes Harvey, rétorqua le mari chauve de la vieille femme  en mettant une petite tape amicale sur le dos du grand-père.

Harvey riait, il semblait à l'aise dans ce monde artificiel mais pourtant heureux de se moquer de ce carcan de vieux bobos. Il adressa un clin d'oeil à Laure puis héla un taxi. Le véhicule s'arrêta devant eux, et Harvey ouvrit la porte arrière en faisant une révérence à la jeune femme:
-Merci pour cette charmante soirée.
-Merci d'avoir égayé ma soirée d'anniversaire, Harvey. Et merci pour mon emploi, pensa-t-elle.
-Merci à vous. Je me suis bien amusé. A bientôt, et encore bon anniversaire!
La gorge de Laure se serra pour ce mensonge. Si elle lui avait dit la vérité, elle avait le sentiment qu'Harvey serait tout de même venu à sa rescousse.