Chapitre 4 :

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Laure sortit de la boutique un énorme sac en papier à la main. Ce qu'elle s'apprêtait à faire relevait soit du génie, soit d'une stupidité sans nom. Elle sortit son téléphone puis se hâta de trouver une station de métro. Trop occupée à agrandir la carte sur son smartphone, Laure en oublia de regarder son chemin. Son corps tout entier la rappela à l'ordre lorsqu'il embrassa un poteau téléphonique en fonte. Abasourdie, elle s'assit une minute au pied du poteau. Il lui restait une grosse heure pour se préparer. Elle avait des papillons dans le ventre, des fourmis dans l'épaule et surement un nouvel hématome sur le corps.
Une fois arrivée chez elle, elle sauta sous la douche, puis rapidement se retrouva devant le miroir. Elle scruta le reflet : elle était loin d'être laide, mais pour que son plan fonctionne elle devait se transformer en créature éblouissante. Laure attrapa un sèche-cheveux puis, forma de grosses boucles dans ses cheveux.
Elle appliqua une crème de jour, de l'anticerne, et un peu de poudre. Elle rehaussa le tout avec un peu d'enlumineur, puis s'attaqua à ses yeux. Après avoir effectué un maquillage léger, elle partit timidement ouvrir le sac...
La jeune journaliste avait l'impression de faire l'école buissonnière, de duper tout le monde, elle ne croyait pas ce qu'elle était en train de faire, ça lui ressemblait tellement peu. Elle passa la robe. Elle tombait parfaitement. Elle enfila ses plus beaux escarpins puis commanda un taxi.
Le véhicule arriva en moins de trois minutes. Même s'il commençait à faire sombre dans les rues de Londres, Laure ne put s'empêcher de penser qu'elle dénotait et que tout le monde l'observait dans son déguisement.

- Où puis-je vous conduire madame ?
Laure mit une seconde à répondre au chauffeur, interloquée qu'on puisse lui donner plus que son âge, c'était la première fois que ça arrivait.
- Au Royal Opéra House s'il vous plait.
- J'aurais dû m'en douter!
Laure approchait du moment fatidique. Elle avait trente-cinq minutes pour trouver le moyen de rentrer dans l'édifice, ensuite elle ratait le début de l'expo programmée pour son article de demain et mettait en péril sa période d'essai.

Elle arriva sur le parvis. Le lieu grouillait déjà de personnes importantes et bien habillées, de personnes prêtes à débourser plus de 150£ en un soir.
La jeune femme se plaça bien en vue à côté de l'entrée.
Plusieurs visages se tournèrent dans sa direction, mais personne ne lui adressa ne serait-ce qu'un demi sourire. Le plus gros de la foule était rentré, et Laure commençait à se dire que son tour de passe-passe allait échouer lorsqu'un petit homme d'un âge indéterminé sortit d'une voiture en trottant.
Il s'arrêta net devant Laure, la détailla, puis lui adressa ces mots :
- A l'évidence je ne suis pas le seul à être en retard ! Il faut vous dépêcher mon petit, vous allez rater le début du spectacle !
- Je sais bien monsieur, mais c'est ma meilleure amie qui a conservé les billets, et malheureusement je ne la vois pas arriver... Laure arborait sa mine la plus contrite possible, elle essayait de se donner de la contenance, mais ses jambes tremblaient. Des larmes de peur lui montèrent aux yeux, tant elle se sentait mal, puis improvisa très rapidement :
- Je crois que je vais passer ma soirée d'anniversaire seule tout compte fait...
Elle commença à s'éloigner. Lorsque son talon se coinça entre deux pavés. Son pied nu fraichement manucuré vint atterrir dans une flaque d'eau trouble et franchement dégoutante. Son visage s'illumina tout de même car le pauvre homme - sûrement atterré par le spectacle qu'elle lui offrait - finit par la héler :
- Vous imaginez bien qu'un gentleman ne peut se permettre de laisser seule une demoiselle en détresse, de surcroit le soir de son anniversaire. Si vous acceptez d'avoir un vieux crouton en guise de meilleure amie ce soir, c'est avec un grand plaisir que je me pavanerai avec une beauté telle que vous à mon bras.
Laure sourit timidement, remit sa chaussure, puis remercia à de nombreuses reprises le vieillard.

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