Chapitre 1 :

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Il était six heures lorsque le réveil de Laure retentit. Le bruit strident de l'appareil jurait avec la douce apparence de la chambre.
Le lit et la console étaient blancs, assortis. Les draps aux motifs roses, à peine défaits, trahissaient le jeune âge de l'habitante.
Cette dernière ne perçut que tardivement la sonnerie, masquée sous le bruit des jets de la douche. La britannique dormait peu.
À quoi bon perdre son temps dans un lit lorsque le monde s'offrait à vos vingt-cinq ans?
Le corps encore dégoulinant, elle sortit de la petite cabine de douche, enfin alertée par le boucan qui émanait de la pièce adjacente. Le rideau de bain toujours collé aux fesses, elle se hâta pour arrêter d'un geste vif le vieux radio réveil.

Sur le chemin du retour, son pied glissa dans une flaque d'eau laissée dans l'entrée de la salle de bain : sa tête vint lourdement s'écraser contre le montant de la porte.

Laure étouffa un cri, puis se dirigea en titubant vers sa trousse à pharmacie :

- Un début de journée somme toute banal dans la vie de Laure Hampshire, soupira la jeune fille, ironique.

Sa tenue, elle l'avait soigneusement sélectionnée la veille au soir : une jupe crayon en lin beige et un top soyeux écru. Elle y avait songé des jours, et c'était bien l'image qu'elle voulait renvoyer durant cette journée pleine de promesses.
Des années de combat allaient enfin se solder par une victoire, SA victoire.
Dans quelques heures, elle ferait son entrée dans les locaux du magazine Come on LONDON en tant que journaliste évènementiel.
Ça y est, elle entrait dans le grand monde : à elle les soirées théâtre, les vernissages, les grands restaurants... Et elle serait payée pour ça. Ses yeux brillaient en imaginant les articles qu'elle écrirait bientôt.

Habillée, devant le miroir, la jeune femme scruta son reflet : même si sa courte nuit n'avait pas impacté la fraîcheur de son teint, un œuf jaunâtre ornait à présent le sommet de son front.
Elle arrangea ses cheveux pour qu'on remarque le moins possible ce détail déplaisant, et appliqua délicatement un peu de poudre libre sur son visage puis un peu de mascara pour faire ressortir ses yeux verts.
Elle attacha ses cheveux bruns dans un chignon bas, comme elle avait vu faire dans les magazines. Elle était prête.

Son téléphone vibra sur la table de nuit.
Elle sourit avant même d'avoir lu le message :
" Sois juste toi-même et ils t'adoreront."
Ses parents avaient dû mettre, eux aussi, un réveil aux aurores, rien que pour ces quelques mots. Son cœur tambourina dans sa poitrine : elle était gonflée à bloc. Laure attrapa son sac, puis claqua la porte.

C'est avec une jolie palette de mots fleuris qu'elle pesta contre son cerveau sous-alimenté, qui avait omis de lui faire penser à prendre ses clés. Il fallait absolument qu'elle songe à prendre une carte de fidélité chez le serrurier du coin. Deux fois en une semaine : elle était de loin sa meilleure cliente.

                       ***

Une langue baveuse s'écrasa sur la joue du visage inerte de Valentina.
- Hmmm... Ferdinand... Laisses-moi dormir.
Le setter irlandais n'abandonna pas aussi facilement, et alla débusquer la corde qui lui servait de laisse puis jappa à l'oreille de sa maîtresse.
- Ok, ok, ta vessie ne peut pas tenir plus longtemps...

La jeune femme se leva doucement. Il était 10h15, et le rhum continuait à couler dans ses veines.
La veille au soir, elle avait fêté les trente ans du bar dans lequel elle était serveuse.
Après la fermeture du grand rideau de fer, le patron avait sorti une bouteille de rhum ambré de sa réserve personnelle. L'équipe s'en était donné à cœur joie jusque tard dans la nuit.
Peu habituée aux excès, Valentina regrettait déjà le dernier verre qu'elle n'avait pas eu le cœur à refuser.

L'italienne enfila un pull en laine blanc et un jean déchiré. Elle se brossa les dents, attrapa la corde et laissa Ferdinand dévaler les escaliers.
Le soleil de ce début du mois de mai lui fit mal aux yeux. Elle se couvrit le visage quelques secondes avant de se faire héler par Mme Triviani, la pharmacienne :
- Bonjour Valentina! Bonjour mon Ferdinand... Belle journée n'est-ce pas ? Si ton mal de tête perdure n'hésites pas à passer me voir en rentrant, je te mets de l'aspirine de côté !

La remarque ne surprit pas Valentina, dans cette petite ville de douze mille âmes, tout le monde se connaissait. L'un de ses collègues avait déjà du passer par la pharmacie ce matin, et à cette heure, l'île entière était au courant de sa gueule de bois.
Elle sourit rapidement à la commerçante, promettant de passer plus tard, puis siffla Ferdinand.

Le tandem se dirigea vers une plage de Caprera pour son habituelle balade matinale.

Ils arrivèrent une vingtaine de minutes plus tard sur l'étendue de sable fin. Elle avait volontairement choisi une crique exposée au vent d'est, ce qui lui assurait de s'y trouver seule. Elle enleva ses chaussures et plongea ses pieds dans le sable frais. Le paysage régalait ses yeux mal réveillés.
Elle se surprenait à redécouvrir les plages de la réserve naturelle tous les matins. Elle ne s'en lassait pas et, chaque jour, respirait à s'époumoner en se gratifiant d'avoir été parachutée sur cette île italienne.
Le vent balayait ses cheveux, Ferdinand courrait dans l'eau cristalline : elle était simplement heureuse.
Valentina se laissa tomber dans le sable en observant son chien. Au loin, comme chaque matin, le bateau de pêche vert arrivait.
Il était ponctuel, 10h45.

Malgré une migraine persistante, elle se sentait apaisée.

Malgré une migraine persistante, elle se sentait apaisée

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