Chapitre 14: Confusion

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— Déesse Michelle, ta tristesse est un lac de désespoir pour ton peuple.

Je le regarde en biais, intriguée par sa manière singulière de vouloir me remonter le moral.

— Merci, mais ne t'inquiète pas ça va, tenté-je de le rassurer à travers un sourire.

Il me conte des anecdotes sur les déesses grecques le long du trajet

— Je suis une amazone Abdou, les amazones sont des guerrières dans mon pays, elles se relèvent toujours.

— Je n'en doute pas, conclut-il en me gratifiant d'un sourire lumineux.

Pourtant, je ne vais pas mieux. Je n'arrive pas à extraire ma tristesse cette fois. Le long du trajet, je pianote sur mon téléphone, me libère encore dans les mots, me soulage.

Il était une épine.

Une épine qui me souriait, une épine qui m'aimait. 

Il était un poison, un poison de l'ordre des anges déchus qui m'arrosait de son liquide palpitant...

Il était soudain cette lame : acerbe, tranchante,

Qui me lacère les poignets... Ceux du cœur.

Il était cette bête qui boit goulûment de ses lèvres pécheresses,

Le sang de mon supplice. 

Il était mon ami, mon ennemi, mon cri et ma douleur.

Abdou débarque sur un chemin isolé, creusé dans une forêt et finit par se garer sur un parking en béton. Une maison se dresse dans le creux des arbres, isolée. Harry, sans aucun doute. Abdou vient m'ouvrir, il me lance un regard compatissant et s'adosse contre la voiture. Je marche doucement vers la porte de hêtre, tape avec le heurtoir en sentant mes doigts crispés se tordre d'appréhension.

Quelques secondes après, Harry apparaît. Le soulagement se dessine sur ses traits dès qu'il me voit. Une autre parcelle de colère s'envole. Il fait un signe de tête à Abdou puis s'efface afin que je pénètre dans la maison. Le vestibule reste dans l'esprit vieillot de la maison, un porte-manteau s'y dresse, un tapis turc aux motifs emmêlés orne discrètement le sol.

Les murs de pierres sont très impersonnels, revêtis d'une teinte grise, propre et vide. Je détaille chaque détail des pièces, comme si je détaillais Harry. Comme s'il me donnait accès... à son intimité. Dans le silence, il me conduit dans le salon, qui contrairement au reste des lieux est des plus modernes, mais sans vie. Télé incrustée dans le mur, appareils électroniques, sofas gris, table basse de verre ornée de plusieurs bouquins, tapis toujours turcs, mais aux motifs plus discrets. L'impersonnalité se peint gaillardement dans le décor.

— Assieds-toi là, je reviens, m'indique Harry en désignant le sofa.

J'obéis. Je m'installe lentement, le regard accroché sur chaque détail de la pièce. Harry se rend dans la pièce adjacente et en ressort quelques instants après avec un plateau orné de deux verres de jus de pomme, une fois encore, je suis ravie qu'on partage la même addiction. Il ne vient pas seul, une boule de poil le talonne.

Le chien vieux de quelques années a une pilosité douce rien qu'à l'œil, ses poils gris se dressent divinement et lui accordent une apparence avoisinant celle du loup. Un vampire et un loup, de mieux en mieux. Ce dernier comme s'il me connaissait se dirige vers moi, par réflexe, je le caresse tendrement.

— Comment s'appelle-t-il ?

— Snipper, souffle Harry.

Mon mouvement se bloque, le même nom que ma défunte chienne.

Tentation en éditionWhere stories live. Discover now