IV

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A vrai dire, je n'ai jamais vu de gynécologue de ma vie. Et ce qui est le plus angoissant ce n'est pas le fait que le médecin se trouve actuellement entre mes jambes, une pince à la main ; mais plutôt le fait que le mec dont je rêvais les bras deux heures plus tôt est en train d'attendre derrière ce mur qu'on m'applique une désinsectisation avant de me retirer les cadavres des puces avec une pince.
- Ça y est, c'est clean ! s'exclama le médecin en me souriant cordialement comme si la situation n'était pas assez étrange pour tout le monde.
J'espère de tout cœur que jamais personne n'apprenne cet horrible incident. Je me rhabille et essaye de me rendre présentable devant le minuscule miroir avant de saluer le médecin et sortir. 
Je le retrouve, esseulé, dans la salle d'attente qui apparemment ne se vide jamais, à aucune heure de la journée ni de la nuit. Il m'accueille maintenant avec un sourire moqueur. Le salaud ! Je préfère l'attitude inquiète d'avant l'intervention.
- Il t'as aussi mis du désinfectant sur tes affaires ? Me questionnait-il alors que nous marchions silencieusement vers sa voiture.
- Oui, répondis-je timidement.
- Alors, tu vas devoir te mettre à l'arrière au retour, je parie que t'en as aussi mis sur le siège avant.
Il m'a l'air soudainement très familier. Mais j'ai quand même ruiné sa soirée.
- Alors, où est-ce que je te ramène, belle demoiselle ? Me demande-t-il alors que nous démarrons.
- J'habite à Harmstreet. Mais... étant donné que c'est loin et qu'il est tard, je peux prendre un taxi près de la sortie, ai-je proposé.
- Et ton frère ?
Ah voilà un mensonge qui me suit deux fois de suite dans la même soirée. Je n'aurais jamais dû inventer cela. Qu'est-ce que je réponds maintenant ? Vilaine fille, la Zoé !
- Il... il est retenu à l'étranger.
J'entends un petit rire vexant.
- Et la vérité ?
- La vérité c'est que j'aurais pu rentrer à dix-neuf heures trente quand tu me l'avais suggérée, ai-je avoué en remerciant secrètement le ciel d'être assise à l'arrière à cet instant précis.
- Personne ne t'attend ? On n'a pas essayé de te joindre ? Questionna-t-il encore l'air inquiet tout en roulant vite, très vite vers la direction de mon domicile.
- Non, nous sommes juste mon frère et moi... et comme je l'ai dit il est à l'étranger.
Il réfléchit un moment. En tout cas, c'est ce que son silence suggère.
- Tu es la sœur de Loid ? Dit-il finalement.
Eh bien, je ne m'y attendais pas, à cette question.
- Oui, marmonnais-je.
Nous roulons encore dans un silence absolu avant qu'il ne repose la question.
- Pourquoi tu as menti ? S'enquit-il en me scrutant dans le rétroviseur.
- Je... J'avais voulu rester un peu.
- Pourquoi ? Ajoutait-il comme pour me mettre la pression.
- Parce que...
Avant même que je ne puisse répondre, il termina ma phrase.
- Tu t'attendais à ce qu'il se passe quelque chose ?
J'ai parfois cet indéniable pressentiment, pour savoir s'il faut répondre par un oui ou par un non afin de combler l'attente de mon interlocuteur, mais là, je suis bloquée. C'est comme s'il voulait entendre que je confirme les deux, ou que je nie les deux. Je ne sais pas. Il va falloir être authentique, cette fois.
- Quel genre de chose ?
- Tu sais très bien, tonna-t-il sèchement.
Ce qui ne manquait pas de m'arracher un sentiment d'angoisse.
Nous nous taisons et continuons le trajet en silence.
- Comment ça se fait que tu stationnes à un endroit où il y a des puces ? Questionnais-je comme une conne tout en regrettant trois secondes plus tard d'avoir moi-même remis le sujet sur le tapis.
- Il n'y a plus de place dans notre garage, répondit-il sans artifice. Et c'est la seule place non payante.
- On comprend pourquoi, marmonnais-je entre mes dents.
- Alors quelle autre personne a aussi... attrapé des puces dans ton entourage ?
- Ma petite amie.
- Ah !
Silence radio, oui encore.
Il a une petite amie, donc. Je me demande ce qu'il pense de moi, après tout ce qui s'est passé ; s'il a apprécié nos baisers comme moi je les ai apprécié. Je me demande s'il m'a comparé à sa petite amie. Elle doit être plus expérimentée, et donc plus délicieuse. Peu importe. Je dois lui proposer mon aide en quelque chose. pour qu'on soit quitte après ce soir. Non, je déconne. Ce serait un bon moyen d'assurer une prochaine rencontre.
- Alors, commençai-je, comme tu m'as été très généreux ce soir, je voulais te demander ce que je pourrais faire, pour te rendre service à mon tour...
- Ah mais tu vas nettoyer l'intérieur de la voiture demain matin.
Non mais !!! Il ne me laisse même pas finir, et il dit ça sur un ton autoritaire. Je rêve ! C'est très facile de passer d'un ressenti à l'autre avec ce gars. Comme il est vexant, ma foi !
- A quelle heure veux-tu que je vienne ? Je m'enquis à contrecœur.
- Je passe la nuit chez toi.
Pause ! Pause ! Pause !
- Quoi ?
- Je viens de te dire que je passais la nuit chez toi. Et tu vas me nettoyer la voiture de bon matin pour que les puces ne l'envahissent pas.
- C'est-à-dire...
- Dès le levée de soleil.

Le frère du professeurحيث تعيش القصص. اكتشف الآن