XII - Esther

Depuis le début
                                    

Ce moment complètement irréel, avec d'un côté la menace de ces prisons-congélateurs et de l'autre cette initiation au ski me fit oublier un court instant l'urgence dans laquelle nous étions.

Il n'y avait plus que moi et cette femme, pleine de bagou et de charme qui était venue jusqu'ici, risquer sa peau pour me sauver.

Alors que je lui tenais son avant bras pour tenter de trouver un semblant d'équilibre, une étourdissante aura se dégageait d'elle qui m'apporta sérénité, sécurité et confiance.

Enfin stable sur mes skis, je réussis à me décrisper pour retrouver une sensation que j'avais bien connu lorsque nous nous amusions avec mes amis. Nous faisions les quatre cent coups, chaussés de nos rollers en ligne, dans les vieux hangars de la station spatiale de mon enfance. Cet agréable souvenir qui ressurgissait me donna vigueur et énergie. Je fis signe à Esther que ça allait. Elle me proposa de la suivre.

L'entrée de la cavité où se trouvait les chambres se nichait au creux d'un léger cirque. La seule issue donnait sur un accès dégagé où l'on devinait des traces récentes de passages. Nous partîmes à l'opposé pour gravir la pente en ciseaux et en escalier.

Nos équipements ralentissaient nos mouvements. Soulever un ski, puis l'autre, faire des pas de côté: l'exercice était physique mais pas insurmontable.

"Encore un petit effort" me souffla la fougueuse Ice Planet.

Essoufflés, nous arrivâmes, enfin, en haut de la butte.

je m'accordai une pause pour recouvrer mes forces et profiter du panorama. Le blanc s'étendait à perte de vue. Au loin, nous pouvions apercevoir le dôme orangé de la base qui scintillait sous les rayons des astres. Le chemin qui partait du cirque se faufilait en lacet à travers les dunes enneigées pour la rejoindre.

Je m'étonnais de la distance qui nous en séparait.

"Nous retournons là-bas? dis-je encore haletant, en désignant l'édifice.

-Non, nous allons descendre de ce côté. fit-elle, en me montrant un sentier situé en contrebas sur notre gauche. Elle continua avec malice, un traîneau nous y attend. Cela sera tout de même plus commode qu'en ski, non?

-Un traineau?! Sans aucun doute bien que cela ne soit pas déplaisant. fis-je bravache.

-Oui mais le plus dur reste à venir! Nous sommes montés, maintenant il faut redescendre! répliqua-t-elle.

Elle me vit me décontenancer à la vue du vide et pouffa de rire.

"Ne vous inquiétez pas, nous allons prendre tout droit à travers la pente dans de la bonne poudreuse; rien de bien compliqué pour un débutant comme vous.

-Ok, Quoi qu'il arrive, je vous suis, vous savez mieux que moi ou nous sommes et où nous allons. D'ailleurs, je voulais vous demander fis-je hésitant.

-Oui, dites moi.

-Pourquoi êtes vous venue? pourquoi prendre autant de risques?

-Pour vos beaux yeux, voyons."

Elle avait répondu simplement et sur le ton de la blague, sûrement pour noyer le poisson. Elle esquissa un dernier sourire puis s'élança dans la direction qu'elle m'avait indiqué plus tôt.

Mes premiers instants sur cette piste ne furent pas très convaincants. Le plus dur était de suivre les sillons laissés par le passage d'Esther et de garder l'équilibre. Le tapis de neige frais et léger régulait naturellement notre vitesse et procurait un fabuleux effet de glisse.

C'était comme si le temps s'était arrêté, je faisais le vide dans ma tête et admirais l'énigmatique paysage de cette planète hostile où peu de gens s'aventurait. Il était fascinant de voir comment le blanc de la neige transformait l'aspect des choses et leur donnait simplicité et pureté.

Nous arrivâmes au sentier. Esther s'arrêta net soulevant un nuage de poudreuse qui retomba sur le véhicule qui stationnait là. Cet arrêt brutal me surprit, en dépit d'un chasse-neige, je ne pus freiner à temps et fonçai droit sur elle sans pouvoir éviter le carambolage. Ensevelis sous la neige nous nous mîmes à rire en cœur de ma maladresse.

À ce moment, une pétarade de moteurs nous figea. Esther reprit instantanément son sérieux.

"Ils arrivent plus tôt que prévu, les gardes et leurs buggys des neiges: les Ice Tunnelators!! Ils viennent pour déclencher votre cryo. Ils sont sur le chemin des chambres, nous devons partir!"

Nous déchaussâmes nos skis pour atteindre fissa le traineau. À ma surprise, il n'y avait aucun attelage et il s'agissait là, plus d'une motoneige. L'engin, de surface, de couleur bleu à l'allure aérodynamique et monté sur quatre skis de grande taille possédait un imposant propulseur à l'arrière. D'un bon, la jeune femme prit place au commande et alluma les gaz. Malgré le peu de place, elle m'invita à monter à ses côtés et nous filâmes à vive allure.

Elle m'expliqua que le traîneau céleste était un engin ultra rapide et initialement prévu pour l'installation de balise radar mobile. Les gardes en buggy n'avaient aucune chance de nous rattraper. Mais mon évasion allait rapidement faire le tour de Krysto car les moyens de communications y étaient omniprésents.

Cette situation m'irritait; comment en étais-je arrivé là? Emprisonné puis traqué comme un vulgaire hors-la-loi? Je pestais:

"Mais qu'est ce que j'ai fais à la fin! pourquoi en ont-ils tous après moi?

-Oh pas grand chose, simplement d'être dans le collimateur de Cold! La guerre contre les Blacktrons l'a rendu complètement parano, quitte à envoyer à l'exil son second pensant qu'il l'avait trahi. N'ayant plus confiance en personne, Il s'est complètement replié sur lui même. Dans sa furie, il a fait cryogéniser les Blacktrons capturés avant même de prévenir la Space Police. Beaucoup lui sont restés fidèles, peut-être par crainte mais je pense que Krysto a fini par rendre les gens fous. Nous sommes tout de même une poignée à tenter de résister dans l'ombre. Je t'emmène voir Max; notre chef de fil. Il t'en dira certainement plus.

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