Léceline

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Léceline se baladait dans son enclos. Sa jument, hennissait doucement en croquant une pomme venue du pommier dans le jardin. La jeune fille s'amusait à voir les fleurs tanguer avec le vent, tel une dance. Sa mère la cherchait sans doute, et la découvrirait assise dans l'herbe, en train de souffler sur les fleurs et de cueillir un bouquet. Sa grande sœur lui crierait dessus, en lui reprochant de ne pas aider sa mère dans les champs. Elle eut une idée. Elle prit quelques fleurs et se les emmêla dans ses cheveux dorées, qui miroitaient au soleil. Elle prit également une grosse fleur jaune et la sentit. L'odeur du frais, de l'air libre. Elle sortit de l'enclos et traversa le grand jardin pour rejoindre la route en terre du village. Elle alla près d'un arbre, ou l'attendait déjà son amoureux. Le grand arbre, un Saul pleureur, était leur point de rendez-vous. Il l'accueillit à bras ouverts, et lui chuchota quelque chose à l'oreille. « J'ai une surprise pour toi. Ferme les yeux » Léceline, obéissant aveuglement à son tendre chéri, ferma doucement les yeux. Elle eut du mal à les laisser fermer. Son amoureux sentait les fleurs. Au bout d'un court moment qui lui parut durer une éternité, Largel, son amour lui glissa dans le cou : « Ouvre les yeux, maintenant, ma douce. » Elle les ouvrit donc, et ce qu'elle vit la fit sourire, d'un grand sourire tellement heureux que son tendre amour, s'en rendant compte, se mit à l'embrasser. Ce qu'elle avait devant elle était un arc en bois d'if. Un magnifique arc.

Un carquois l'accompagnait, avec une cinquantaine de flèches en plume de canards. Léceline, émue, réussi à s'exprimer :
« - Je... Merci... Tu savais que mon rêve était d'avoir un arc, et maintenant c'est fait. Merci Largel, je... Je t'aime.
- Je savais que ça allait te plaire. On va le tester ?
- Bien sûr ! »
Elle l'embrassa une dernière fois avant de se diriger vers le pré, main dans la main. Là-bas, ils s'entrainèrent sur l'épouvantail. Au début, le bonhomme de paille ne prit quasiment aucune flèche, mais au bout de quelques heures, il se retrouva avec six flèches dans la tête, une dizaine dans le ventre et sept dans les jambes. ; Son amoureux, Lagrel, n'était pas très doué pour l'arc. Léceline ne se débrouillait pas trop mal. La nuit commença à tomber, et ils rentrèrent, leur chemin ponctué de langoureux baisers. Arrivé chez elle, elle déposa sous son lit son arc, juste avant que sa mère le voie. Si jamais elle le voyait, elle allait le bruler. Elle mangea peu, ce soir-là, trop occupé à penser à son arc, qui l'attendait en haut. Au bout d'un moment, elle simula un mal de tête pour pouvoir rejoindre sa chambre. Elle sortit l'arme, et l'observa. Il avait été surement fait chez un artisan, pas par Lagrel. Du si beau travail... Elle resta au moins une heure a le contempler quand quelqu'un toqua à la porte. Elle rangea vite l'arc sous le lit et gueula : « laisse-moi, maman, j'ai mal à la tête. La porte s'ouvrit néanmoins, dévoilant non pas sa mère mais sa sœur. Cette dernière lui chuchota :
- Pas la peine de le cacher, je ne sais pas où il est, mais je t'ai vu t'entrainer cet après-midi avec ce garçon, je me baladais dans la forêt quand j'ai entendu ta voix aiguë s'esclaffer. Je me suis rapproché et je t'ai vu. Alors maintenant, tu vas faire ce que je veux, sinon je le dirai a maman, et tu sais très bien qu'elle brulera ton arc et t'interdira de sortir, et je sais que tu détesterais. Et ton amoureux ne te verra plus, il se lassera de ne plus te voir, et s'occupera avec une autre fille, moi par exemple. Il est plutôt joli, avec ses cheveux qui se décoiffent au vent, ses cheveux... De quelle couleur d'ailleurs ? J'aurais bien le temps de le voir. Et sa façon de te regarder, de chercher ton regard. Il est un peu jeune, mais ça fera l'affaire. Nous n'avons que deux ans d'écart, il ne verra pas la différence, nous nous ressemblons, il y a juste nos cheveux qui sont différents. J'ai les cheveux courts, tu les a longs. Mais si tu ne veux pas tout cela, tu vas devoir m'obéir. Maintenant, va, et fais tout ce que je te dis. Premièrement, coiffe-moi. Ensuite, tu me prépareras mon bain.
« - Ton bain ? Mais on ne prend pas de bains ! Ça prend trop d'eau !
- Si jamais tu te fais prendre par maman, tu lui diras que c'est toi qui voulais te faire un bain. Il va falloir que tu ailles prendre de l'eau au puits.
- D'accord. »
Léceline coiffa sa sœur, tacha de la faire le plus durement possible, jusqu'à ce que sa sœur, Turnine, lui dise de faire moins fort, ce que la jeune fille appliqua a la lettre. Quand les courts cheveux de sa sœur furent brossés, elle s'en alla avec un seau dans une main et... son arc. Sa sœur était assez fourbe pour chercher son arme et se l'approprier puis ordonner milles autres choses à sa sœur pour lui rendre. Sur le chemin, elle rumina. Elle me fait du chantage. Je dois lui obéir. C'est horrible. J'en parlerai à Lagrel demain. Il saura me conseiller. Je lui dirai aussi que si jamais il ne me voit plus, c'est que ma mère a découvert l'arc. Elle trébucha sur une pierre, la ramassa et la jeta le plus loin possible dans le ruisseau. Léceline pouvait aussi prendre de l'eau directement, mais sa sœur préférait l'eau du puits, alors que c'était exactement la même. Mais si sa sœur désirait quelque chose, la jeune fille était forcée de le faire. Elle prit alors de l'eau au puits. Il en fallait beaucoup pour un bain, elle prit donc deux seaux remplis. Elle passa son arc en bandoulière et rentra chez elle. Elle remplit le bain, chauffa l'eau sur le feu et dut déshabiller sa sœur et la frotter. Quand sa sœur fut propre, elle lui ordonna de la laisser. Léceline repartit dans sa chambre. Elle prit de nouvelles flèches dans son arc et réfléchit. Un petit peu plus tard, Turnine, sa sœur bien-aimée, l'appela. Elle vint, accompagné de son arc. Sa sœur l'ordonna de l'habiller. La jeune fille exécuta les ordres, son arc toujours en bandoulière. Quand sa sœur fut habillé, Léceline détacha son arc, mit une flèche et banda l'arme. Sa sœur se retourna pour lui donner un nouveau travail à faire, et vit la jeune fille, l'arc pointé sur elle. Elle se mit à bégayer. Elle réussit à placer quelques mots. « Non...Léceline... Non... Ne fais pas ça ! On peut s'arranger. Je... Tu n'oserais pas ! Tu... » La tueuse lâcha la corde et la flèche partit dans la gorge de sa tendre sœur. Cette dernière se mit à crier, le sang coulant de sa gorge, formant de grosses bulles rouges. Elle gargouillait de sang. Puis, quelques secondes plus tard, elle s'écroula, le sang maculant le sol jusqu'aux pieds de Léceline. Puis la fratricide regarda sa sœur mourir, une dernière coulée de sang s'échapper, et puis plus rien. Ensuite, elle enjamba le cadavre et se dirigea vers la chambre ou dormait sa mère. Elle ouvrit la porte, et la contempla. Une jolie femme, malgré ses formes rondes. La jeune fille n'eut pas le courage de la tuer. Lagrel lui avait appris à écrire, son père étant un chevalier errant, il avait appris à son fils à écrire et à lire. Elle alla chercher une plume, mais n'ayant pas d'encre prit le sang de sa sœur. Puis, elle prit un bout de papier et commença à écrire, le sang de sa sœur coulait sur le papier, mais imperturbable, elle écrivit :

Maman, je pars. Turnine me faisait du chantage. Elle me traitait en esclave. Je l'ai tué. Mais je ne te tuerai jamais, car je t'aime, et que je ne tuerai jamais une personne que j'aime. Je préfère partir, je suis morte de honte. Quand tu seras réveillé, j'aurais enterré ma sœur. Je sais que tu me détesteras, et que tu voudras que je meure, et je le comprends très bien. Je disparais. Je reviendrai peut-être un jour, si tu veux encore de moi, ce dont je doute fortement. Je t'aime, maman.

Léceline, ta fille qui t'aime

La tueuse s'en alla dans le jardin, et creusa un trou avec une pelle rouillée. Elle avait préféré être honnête, et dire la vérité, plutôt que de dire que c'était un accident. Puis elle transporta sa sœur, et la déposa dans le trou. Ensuite, elle recouvrit sa sœur. Turnine, je t'ai tuée. Souffre dans ta mort, comme tu as souffert avant ta mort. Léceline remonta, et nettoya tout le sang qu'il y avait dans la chambre, et celui qui était tombé quand la jeune fille l'avait transporté. Elle prit un bain, avec l'eau qu'il restait. Elle était froide, mais au moins cela marchait. Quand elle eut fini, l'eau était rouge. Elle la vida dehors et rangea le bac. Puis elle prit des vêtements propres, des braies et de chausses, ainsi que de bonnes chaussures. Elle passa son arc en bandoulière, attacha le carquois à la ceinture, prit une gourde d'eau ainsi que de la viande et des fruits dans un chiffon qu'elle fourra dans les poches de son manteau qui lui tenait chaud, celui de son père, qui était mort quand elle était bébé en faisant une chute fatale du haut de sa fenêtre. Elle coupa le manteau à sa taille et partit en prenant soin de fermer sa porte. Le soleil s'était levé. Elle passa chez son amoureux et lui expliqua ce qu'elle avait fait. Il prit peur, mais Léceline l'assura qu'elle ne le tuerait pas. Puis elle lui expliqua qu'elle partait, et qu'elle voulait qu'il vienne avec elle. Il accepta, et partit expliquer à son père qu'il partait un petit temps. Elle ne comptait pas revenir avant longtemps, mais ne le dis pas à Lagrel. Ils partirent ainsi, sans savoir leur destination. La fratricide avançait, ses remords la hantait, mais elle les repoussa et avança.

La prison des ténèbresDonde viven las historias. Descúbrelo ahora