Atralean - La Dame Du Marécage

Chapitre IX. Faiblesses rivales.

<< Ignea, Ignea !

La jeune femme se retourna et adressa un sourire chaleureux au petit garçon blond comme le blé qui courait dans sa direction.

- Et bien, que t'arrive t-il Thomas ?

- Tu veux bien me faire un tour de magie ?

Ignea écarquilla les yeux et, faisant fi des convenance, s'accroupi face à l'enfant. Sa jupe imposante se releva sur ses hanches, dévoilant ses chevilles.

- Parle plus bas voyons ! Veux-tu que l'on m'arrête pour sorcellerie ?

- Non ! Mais je ne comprends pas : pourquoi est-ce qu'on te brûlerait au bûcher alors que tu ne fais rien de mal ?

L'innocence de Thomas touchait la jeune femme en plein cœur et elle haussa des épaules. Que pouvait-elle lui répondre ? Ses propos ne seraient sûrement pas adaptés. Pourtant, le petit garçon n'était pas à court d'idée et puisqu'il n'aurait droit à un des miracles de sa belle mère, il savait quoi demander.

- Pourrais-tu me raconter une histoire, alors ?

- Ton père préférerait sûrement te voir étudier ou t'entraîner au sabre...

- Père n'est pas là. Et de toute façon, père n'est pas gentil avec nous. Il nous ignore ou il se montre violent.

Elle se mordit les lèvres. Son mariage ne la rendait pas heureuse. La seule chose qui égayait ses journées, la seule chose qui la maintenait en vie dans ce monde solitaire était cet enfant. Cet enfant et le marécage qui l'attirait irrésistiblement. Pourtant elle chassa ses sombres pensés et finit par hocher affirmativement de la tête. Joyeusement, Thomas lui attrapa la main et l'entraîna derrière lui pour la mener à une grande fenêtre qui donnait vue sur le marais. Une brume épaisse le dissimulait mais comme à son ordinaire, Ignea cru y voir autre chose. Ou peut-être n'était-ce que son imagination. Cependant, elle en doutait. Les légendes, pour elle, étaient vrais. Ils s'assirent sur un petit banc et elle commença à lui narrer une histoire qu'il avait pourtant entendu des dizaines de fois.

- On raconte qu'Atralean est un marais maudit où la magie règne.

Voyant que l'enfant allait faire un commentaire elle l'interrompit et poursuivit :

- De la magie noire. Certains pensent même qu'il s'agit d'un portail menant aux enfers. Et que le diable s'y cache. Il y vivrait, entouré de démons et de créatures maléfiques dans un monde froid, sanguinaire et cruel où la violence et les sortilèges règnent en maîtres. Ceux qui s'y perdent y disparaissent, damnés à jamais, condamnés à une noyade éternelle.

- Mais le diable, il doit se sentir seul dans ce monde... La solitude est une chose triste Ignea n'est ce pas ? Peut être est-ce cela qui le rend si cruel...

Le regard de la jeune femme se perdit sur le brouillard et de nouveau, il lui sembla apercevoir une ombre, une silhouette bestiale et deux yeux félins posés sur elle. Elle frissonna et rabattit le lourd rideau sur la fenêtre. Dans un murmure, elle confia au petit garçon :

- Certains parlent d'une femme. Elle serait sa reine. Et pour elle, il serait prêt à toutes les folies...>>

***

Ignea donna un coup de sabre furieux dans une colonne en marbre. Elle venait de rêver d'un passage de sa vie d'humain et si le rêve s'était cantonné à l'image de l'enfant, l'ombre de son défunt mari planait au dessus de sa tête, comme pour lui rappeler qu'il se terrai quelque part dans les eaux maudites... Le fou, après la noyade de sa femme, s'était rendu dans les marais. On raconte qu'il y cherchait son corps. Et il y était resté. Que son âme ne soit jamais en paix, pensait amèrement la Dame qui de plus en plus furieuse s'acharnait contre la colonne. Elle était tant emplie par l'amertume que ses gestes se firent hargneux. Elle ne s'arrêta que lorsqu'une entaille aussi grosse qu'un pain s'y était formée. Peu importait pour elle. Des souvenirs lui étaient revenus. Des souvenirs qui la rendaient faible. Penser à cet enfant qu'elle avait chérit la blessait intérieurement. Et La Dame du Marécage ne pouvait se permettre d'être blessée ou nostalgique. Sa survie en dépendait.