25 - Adrian

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Les mains chargées de toiles, pinceaux et peinture, je m'arrêtai quelques secondes pour souffler. Mon regard se porta alors vers le terrain de basket. Daphné s'entraînait.

-Décidément, il n'y a pas un jour sans que je la vois.

Je pris mes affaires et m'installai sur le banc du terrain. Ayant aperçu ma présence, elle s'arrêta, récupéra son ballon et vint à ma rencontre.

-Qu'est-ce que tu fais là, petit Klein ?

-Et toi qu'est-ce que tu fais là ?

-Bah je m'entraîne ça se voit pas ?

-Oui c'est vrai, souriai-je.

-Tu viens pour Charly c'est ça ?

Elle dribbla et marqua un panier, puis alla le chercher.

-T'as déjà été amoureuse ?

Elle s'approcha de moi, visa le panier et rentra la balle.

-Je le suis encore.

-Depuis combien de temps ?

Elle alla chercher son ballon et s'assit à mes côtés.

-T'en es bien curieux toi.

-Désolé.

-Bah, on n'y peut rien.

Elle bascula son buste en arrière et croisa les jambes.

-Je n'ai jamais... vraiment connu l'amour. L'atmosphère familiale était glaciale à la maison, mais je trouvais ça normal. Mon père ne prêtait aucun attention à la famille et sa mère ne se préoccupait que de l'humeur de son mari et de l'opinion des autres. On n'avait jamais pris de repas à trois et jamais ils ne prenaient le temps de m'emmener quelque part. Je crois que je n'ai pas le souvenir d'avoir été câliné quand j'étais enfant.

Sa situation me rappela la mienne, je baissai les yeux.

-Je suis vite tombée dans la délinquance. Avant même de rentrer au collège, je faisais parti de ces filles dont on ne sait pas quoi faire. Je traînait avec une bande de voyous avec qui je faisais des choses pas très nettes à des personnes qui me demandaient pardon en pleurant. J'ai... Frappé des gens jusqu'à les noyer dans leur propre sang. Et inversement...

Son aveux me fit frémir.

-J'avais l'impression de n'être qu'un amas de débris de verre. Je ne pouvais ne croire ni mes parents, ni mes pseudo-amies avec qui je traînais. Je les avais tous blessés... Cette nuit-là, tandis que je roulait sur ma moto, j'avais envie d'éclater de rire. Mais en même temps je me sentais si fragile, prête à m'effondre. J'avais un peu l'impression que j'aurai beau aller n'importe où, je n'aurai jamais ma place.

Elle lança le ballon et le rattrapa.

-Au collège, je n'y allais que très rarement. C'est pour cela que de le rencontrer ce jour-là avait été une véritable chance. Les professeurs me criaient dessus, me reprochant ma conduite. Je me suis emporté et je les ai menacés. Ils disaient qu'ils allaient appeler mes parents.

Elle rit.

-Mes parents ne seraient jamais venus. Et puis entre tous ses professeurs, il y avait ce policier. Il m'a posé une question. Il m'a demandé pour quoi je déversais tant de colère. Je lui ai crié dessus, je lui ai dis que je détestais tout le monde, qu'ils devaient crever et disparaître. J'ai tellement serré les points que je mes ongles étaient en sang. Alors, il m'a remit en question. Il m'a dit "Mais... sauf erreur de ma part vous avez tout de même envie que l'on s'occupe de vous non ? En fait, vous avez besoin qu'on vous écoute, qu'on vous comprenne, qu'on vous accepte et aussi que tous ces gens dont vous parlez vous aime, non ?"

Elle observa ses mains.

-Pourquoi étais-je comme ça ? Quand m'étais je trompé ? En quoi consistait mon erreur ? J'ai pleuré comme un bébé et je suis ai dit que je me sentais seule. En tant qu'être humain, je voulais simplement devenir quelqu'un qui aurait été capable d'aimer autant que j'aurai pu être aimé. Je cherchais simplement le bonheur. Pourtant je n'arrivais pas à atteindre cet idéal. Alors il m'a emmené manger des sushis. Ma première impression était qu'il était flic bizarre.

Elle sourit.

-Je n'arrivais pas très bien à le cerner. Était-il excessivement poli ou un rustre se cachant derrière des apparences ? Il m'avait rencontré pour la première fois mais il m'avait emmenée en dehors du collège. Cela sortait de tout ce qui était conventionnel. Ce jour-là, la seule chose dont je fus certaine, c'est que les sushis étaient vraiment excellents. Petit à petit et ce depuis que j'avais rencontré cet homme, je m'étais mise à changer. Contrairement aux apparences, il était doté d'un très fort caractère mais, paradoxalement il était aussi très froid. En tout cas je me sentais très attirée par lui.

Elle soupira bruyamment.

-C'est pour cela que je venais de plus en plus souvent à l'école sans pour autant assister au cours. Ce policier était là de garde, parce que les attentats étaient fréquents à cette époque. J'étais déjà amie avec son fils depuis longtemps. Maintenant, je me dis que peut-être que lui aussi il se sent seul. La personne qu'il est aujourd'hui c'est son seul sinon il n'aurait jamais tenu de tels propos.

-Tu es amoureuse d'un homme qui a plus de vingt ans que toi ?

-C'est ça, rit-elle. Il est partit il y a deux ans. C'est pour ça que tu ne l'as jamais vu. Il travail au poste maintenant.

Elle me tendit le ballon de basket.

-On fait une partie ? Je te préviens, je suis très forte !

Homme comme HommeWhere stories live. Discover now