— Tout va bien ? lui demandé-je d'une petite voix en plissant les yeux.

Il relève enfin les yeux vers moi, l'air désolé. Il se lève ensuite maladroitement.

— Excusez-moi, je reviens, balbutie-t-il en sortant de la pièce.

Impatiente et à bout de nerfs, je me penche légèrement en avant pour jeter un coup d'œil au dossier posé sur le bureau. Mon regard est attiré par une inscription : approximativement trois semaines. Je fronce directement mes sourcils, jette un regard en arrière puis me saisis du dossier. Trop curieuse, je sais. Le document étant ouvert sur la seconde page, le nom est donc absent. Mon regard se fige lorsque je lis un passage. << Temps restant à vivre : approximativement trois semaines. >> Je clignote plusieurs fois des yeux pour vérifier qu'ils fonctionnent toujours, une vague de peur se saisit de mes entrailles et comme chaque fois que j'ai peur, je perds la raison. Je jette le dossier sur le bureau et me lève maladroitement, mes yeux me piquent et mes jambes sont flageolantes. Ma mère aussi, on lui avait dit qu'il ne lui restait plus que quelque temps à vivre et elle est bien partie, si brutalement, si lâchement, pour toujours. 

J'ai peur, peur de traverser la même souffrance qu'elle, peur de devenir aussi faible qu'elle lors de la phase finale de sa vie, peur d'être la source des larmes de mes proches, peur de ne pas tenir les promesses que je lui avais faites. Je n'attends pas le retour du médecin étant donné que je n'ai pas très envie de l'entendre prononcer ces mots douloureux qui m'enfonceront plus dans mon mal : « Vous allez mourir ». Je serre les dents pour ne pas pleurer et saute dans le premier taxi que je trouve. Dès que je pénètre dans ma chambre — remerciant le ciel que mon frère soit encore aux cours et mon père absent, je me jette dans mon lit puis éclate en sanglots.

 Je ne suis absolument pas prête pour mourir. J'ai encore tellement de choses à vivre, mais cette foutue génétique veut me barrer la route. Je pleure comme une fontaine, me vidant des larmes de mon corps et m'apitoyant sur mon sort. Si je suis réellement la fille arc-en-ciel, pourquoi ma vie n'est-elle pas aussi colorée que l'arc-en-ciel l'est ? Elle est juste terne et fade. Dans l'après-midi, je me rends dans la cuisine pour préparer à manger. Je me remplis l'estomac avec peu d'appetit. Mon téléphone se met à sonner, me ramenant à la réalité. Je décroche et commence à parler :

— Coucou papa, commencé-je d'une voix enrouée, sentant une acidité remonter le long de ma trachée.

— Tu vas bien ? Tu es rentrée ? me demande-t-il inquiet.

Je ne veux pas l'inquiéter, je ne veux pas qu'il revive l'enfer émotionnel qu'il a pu vivre quelques années plus tôt. Je décide donc tant bien que mal de masquer ma peine.

— Oui, ce n'était qu'une petite crise, affirmé-je en sentant les larmes me monter aux yeux.

Il ne me croit pas au début, cependant après quelques arguments bien pensés de ma part, il finit par raccrocher en me faisant promettre de prendre soin de moi. Je soupire à la fin de son appel puis mets le reste de mon repas au frais. Je me rends ensuite dans le salon pour m'occuper les idées avec madame la télévision. Je suis donc en plein milieu de la série Stay quand je reçois un appel de mon patron, Ronel d'Oliveira. Je décroche sans grand enthousiasme. Sa voix ennuyeuse me parvient aux oreilles.

— Bonsoir, Michelle, j'ai urgemment besoin de vos services, commence-t-il.

J'ai bien l'habitude qu'en plein weekend il appelle pour des affaires urgentes ou pour un travail de dernière minute. Je fais bien plus qu'il ne me paie et le semblant de luxe dans lequel je vis n'est que l'œuvre de mon père, l'indémontable homme d'affaires et génie de la mécanique.

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