Fleur solitaire

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Feuille d'Automne dormait toujours lorsque je me levai à l'aube. Je la laissai dormir encore un peu : elle avait besoin de force. Je descendis en silence de l'arbre où elle logeait. Je regardai autour du tronc pour y trouver une quelconque cavité où un rongeur pouvait se réfugier : rien. Je m'éloignai un peu plus de la colline où nous avions dormi en espérant trouver quelque chose de nourrissant pour la jeune chatte. Mangent-t-ils au Royaume des Morts, au moins ? Ma question fut vite effacée lorsque je vis un sublime geai qui se baladait au sol : terrible erreur.. J'avais l'habitude de chasser des félins malades alors cela devait être un jeu d'enfant. Le vent face à moi, je me cachai dans les fourrées, j'attendis patiemment et je préparai mon saut. L'oiseau se tourna, dos à moi. Une seconde erreur qui lui fut fatale quand je lui plantai mes crocs dans le cou. Je cachai mon trophée et partis à la recherche d'une autre potentielle proie. Je sentis une odeur de rongeur, alors je me mis à traquer l'animal, m'emmenant non-loin de l'arbre d'Automne. Une souris sortit sa tête d'un buisson. Je bondis une nouvelle fois pour espérer l'attraper mais celle m'avait déjà repérée : le vent était à présent dos à moi, elle avait dû me sentir depuis bien longtemps. J'atterris dans le buisson épineux dont quelques une s'accrochaient à mon pelage : apparemment, on pouvait se faire mal, même chez les morts. Je sortis ma tête des buissons et courus vers l'animal en fuite. Je lui donnai un coup de patte qui l'acheva.

Après avoir récupéré mes deux proies et retirer une par une les épines qui couvraient mon pelage, je retournai près de l'arbre où Feuille d'Automne semblait toujours dormir. Je déposai mon butin au pied de l'arbre et je m'accrochai à l'écorce pour atteindre le creux dans lequel nous avions dormi. Là, se trouvait Automne, pleurant comme un chaton égaré. Son pelage tricolore était tout ébouriffé, dressé : elle semblait apeurée.

Elle m'entendit et se retourna. Elle fit un grand sourire et me sauta dessus :

« Tu ne m'as pas abandonnée » s'était-elle exclamée entre deux sanglots.

Cette réplique me fit froid dans le dos : pourquoi aurais-je fait une chose pareille ?

« Je ne veux plus être seule... »

Je lui léchai l'oreille tout en me collant à elle pour qu'elle soit rassurée. Sa petite perle violette brillait à la lueur du jour. Sans dire un mot, elle se lança dans un monologue :

« Je suis née en automne, c'est pour cette raison que je m'appelle ainsi. Je vivais avec Maman et mes frères, nous étions jeunes quand la mauvaise saison est arrivée. J'étais la plus petite et par conséquent, la plus faible. Mes frères m'embêtaient sans cesse et me blessaient parfois. Maman ne voyait pas mes blessures car mon pelage était trop long comparé au reste de ma fratrie. Mes blessures se sont infectées et j'ai commencé à devenir de plus en plus faible. Je bougeais difficilement et je ralentissais tout le monde. La maladie est ensuite arrivée. Je suis tombée gravement malade jusqu'à ne plus pouvoir bouger. J'étais constamment allongée. Un jour, pensant que je dormais, Maman et mes frères sont partis sans moi. Ils m'avaient abandonnée, j'ai pourtant essayé de les appeler mais ils ne m'entendaient pas. Ils ne voulaient plus de moi car j'étais un poids mort. Mes derniers jours furent les pires, je ne pouvais ni manger ni boire. La neige tombait et recouvrait mon corps. J'avais froid. J'étais seule. C'est alors que je me suis endormie, et je me suis réveillée ici. »

Je fus choquée de cette révélation. Un frisson me parcourut l'échine. Automne tremblait comme si le froid de la mauvaise saison était là. Je posais ma queue contre son épaule ;

« Je te promets que jamais je ne te laisserais seule. Je suis et serai toujours là pour toi, Feuille d'Automne ».

Upside-Down -[FR]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant