Upside-Down -[FR]

Le monde des rêves

Il n'y avait rien, tout était noir, les ténèbres. Mais tout semblait si paisible. Est-ce ça ? Est-ce que je suis morte ? Une immensité, une étendue noire où tout flottait dans les airs. Mon corps avait retrouvé sa beauté d'avant : un pelage plus voluptueux et dense, une masse convenable pour résistant à l'ardeur de l'hiver. Mes yeux avaient leur éclat d'un bleu profond. Mes os, mes articulations ne me faisaient plus souffrir. Ma souplesse d'antan et toutes mes habituelles performances avaient refait surface. À croire que la mort est plus douce et moins cruelle que l'on disait. Non, ça ne pouvait pas être ça, je devais rêver. J'admirai cet espace sombre, je m'y sentais bien. En y réfléchissant, tout me parut d'un coup très long, il fallait que je bouge pour comprendre ce dont il m'arrivait. Je secouai mes pattes, imitant les mouvements de la nage pour me déplacer dans ce qui paraissait être le monde des rêves.

Je marchai, ou plutôt, je nageai dans les noirceurs de ce monde sans me fatiguer alors qu'une petite baignade m'aurait épuisée en temps normal. J'avais longtemps avancé sans rien voir quand d'un coup, je vis l'ombre d'un faisceau d'une lumière. Je me précipitai vers cette lumière, le monde des rêves n'était pas seulement une vague, il y avait un monde de lumière ! J'atteignis cette lumière le plus vite possible, jamais mes pattes ne m'avaient transportée ainsi. Même si je me sentais bien dans l'ombre, qu'elle donnait cette impression de sécurité, la lumière m'attirait davantage. Je me rapprochai de plus en plus de cette dernière. Un chemin fait de poussière d'étoiles s'illumina devant moi, j'atterris en douceur et pour la première fois dans ce monde, je pouvais marcher. Je suivis le petit chemin qui se dessinait au gré de mes pas. La lumière du sol était douce et éclairait légèrement les environs. Elle me guida jusqu'à un étrange cristal qui flottait dans les airs. Il était plus grand que moi, légèrement bleuté et tournait très lentement sur lui-même. J'essayais de comprendre qui, ou bien quoi m'avait guidée jusqu'ici, mais aucun indice ne me donna la réponse ou même une idée. Ma patte se leva comme par magie pour venir atteindre le cristal coloré, j'étais hypnotisée par ce minéral. Mais soudain, celui-ci se ternit au contact de ma patte puis il s'éteint. Mon visage se crispa, consciente du drame que j'avais provoqué. Le cristal craqua, puis se fissura de tout son long et tomba en miette sur le sol étoilé. Je reculai, espérant être seule dans cet étang noir et que personne n'ait vu mon acte irréparable. Honteuse, je commençai à partir discrètement quand la poussière du cristal commença à briller doucement. Je m'approchai de la lumière quand celle-ci brilla encore plus fort puis finit par m'éblouir. La lumière m'envahit et m'engloutit. À nouveau, le vide s'était installé dans mon esprit.

Ma tête bourdonnait, j'entendis une voix qui venait de loin et quelqu'un me donnait des coups de patte sur mon épaule. J'ouvris les yeux pour essayer de savoir ce dont il m'arrivait. D'abord, le paysage était flou puis ma vue s'adapta aux couleurs et aux formes de cet endroit. Je regardai autour de moi : d'immenses vallées colorées par les différentes espèces de fleurs. Des bosquets parsemés sur toute l'étendue verte, un ciel bleu et le soleil réchauffant le sol. On pouvait y apercevoir quelques félins s'y promener, dormir ou jouer. Devant moi, une grande tour d'un matériau transparent, laissant les lumières lui donner un aspect rose et bleu. Cela semblait être un endroit important pour qu'il soit aussi imposant. Je reçus encore un coup de patte sur l'épaule qui me fit revenir à la raison, je tournai la tête et une petite féline tachetée dont le poil était hérissé fit un bond en arrière afin de prendre ses distances avant de s'exclamer :

"Oh ! L'esprit perdu ! Tu m'entends ?

-Esprit perdu ? Pardon ?" Dis-je, désorientée.

"Oui, toi ! Tu es sur la frontière, et je t'ai vu arriver du monde des esprits perdus ! Comment as-tu fait pour franchir la frontière ? C'est impossible.

-Je ne sais pas, je flottais dans un monde étrange, on aurait dit que j'avais rejoint les étoiles et j'ai vu de la lumière et j'y suis allée, et là, il y avait un cristal... Je crois que c'était un rêve parce qu'au départ, j'étais en train de boire, mais je suis tombée dans l'eau. Je pense que le courant m'a apportée sur ce territoire."

Je continuai ma petite explication qui partait dans tous les sens. Je semblai l'ennuyer, elle regardait au loin, ses deux émeraudes qui lui servaient de yeux brillaient de mille feux. Elle s'assit, se lissa le poitrail pendant un court instant. Puis elle se releva. Elle dressa fièrement sa queue touffue et me lança :

"Viens. Suis-moi, je vais t'accompagner à notre chef."

Sans poser de question, je la suivis. Je restai derrière elle et nous traversions les étendues d'herbes. On pouvait voir deux félins qui semblaient s'amuser. L'un était face à moi, il était de taille moyenne, la fourrure argentée et les yeux bleus. Il portait un petit bandana jaune et rouge autour du cou. L'autre, de dos, était un peu plus grande, d'une couleur bleutée. Son pelage lisse brillait au soleil.

Le premier me vit et s'affola instantanément en me voyant avec la jeune calico.

"Regarde !" S'écria-t-il.

L'autre chat se retourna, tout aussi effrayé :

"Un esprit perdu !

-On devrait fuir !"

Sans attendre la réponse, ils se mirent à courir dans la direction opposée. On rencontra d'autres félins qui semblaient me dévisager, d'autres fuyaient en me voyant. Gênée, je me rapprochai de la jeune femelle et lui chuchota :

"- Excuse-moi, mais... Pourquoi agissent-ils tous de cette manière ?

-Tu es sans doute un esprit perdu et tu n'as pas notre odeur. Tout ce qui est nouveau ou différent, on s'en méfie. On agit ainsi pour notre propre sécurité. Cet endroit n'est plus aussi sûr qu'avant."

Elle continua sa route, accélérant la cadence. Sa foulée était si petite que je n'eus pas à faire plus d'effort. Esprit perdu ? Mais qu'est-ce que cela pouvait-il bien signifier ? Pourquoi tout le monde perd ses moyens en entendant ce nom ? Peu importe, je devais en savoir plus sur cet endroit.