2) Pooh-san

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{ Les phrases entre «» sont des pensées}

Lorsque je rouvris mes yeux, je n’étais plus dans une rue, mais dans une pièce blanche. L’odeur me renseigna tout de suite sur l’endroit : un hôpital…
J’étais seul avec une poche rattachée à mon bras droit. En tremblant, j’enlevais la perfusion, reniflai un peu et enlevai l’aiguille pour ensuite mettre le tube à ma bouche. C’était bien du sang…

« Tu es dégoutant : tu viens de tuer un homme et tu bois encore du sang avec tant de naturel. A quel point es-tu devenu une monstruosité ?... »

J’ignorai la voix et continuai à boire en pleurant. Je ne comprenais pas ce qui se passait autour de moi…

La pochette se vida en un rien de temps et je me recouchai, serrant mon oreiller contre ma poitrine. J’entendis la porte s’ouvrir et une infirmière pousser une exclamation en voyant l’état de ma perfusion.

-Petit, pourquoi as-tu enlevé le tube ? Il ne faut pas que tu touches à ça…

-Il n’y avait plus rien dans la poche. Et je n’aime pas les piqûres…, soufflai-je sans la regarder.

La femme soupira et éloigna le chariot avant de me faire quelques tests.

-Tu as eu beaucoup de chance de ne pas être blessé tu sais ? Que s’est-il passé ?

-J’étais à la patinoire.

-On m’a dit qu’elle s’était effondrée, heureusement que tu as pu sortir à temps…

Je me contentais de hocher la tête avant de perdre mon regard par la fenêtre. L’infirmière finit par sortir en disant qu’on allait contacter mes parents…


Ma maison avait apparemment été touchée et je dus me rendre au camp de réfugiés installé dans le gymnase du lycée de la ville. Il faudrait que j’y reste une semaine puis que je retourne à l'hôpital : par sécurité, m’avait-on dit. Ma mère ne manquait pas de me rappeler que chaque jour ici était un jour d'entraînement en moins, une chance de victoire qui s’envolait… Autour de nous, je voyais les familles s’entasser, les parents rassurant leurs enfants, et je me demandais pourquoi ma famille à moi n’était pas comme ça…

Les adultes étaient occupé la plupart du temps et des groupes d’enfants s’étaient rassemblés, jouant ensemble. Au début je n’osai pas les rejoindre mais au bout du deuxième jour, une petite fille vint me proposer de venir avec eux… Dire que j’ai alors passé les meilleurs moments de mon enfance est un euphémisme : j’étais entouré, les autres enfants m’avaient accepté et je pouvais enfin jouer avec des jeunes de mon âge sans culpabiliser sur le temps perdu. Lorsque je dus partir, un petit garçon m’offrit un Winnie car il avait vu que je n’avais aucune peluche contrairement aux autres. Il me fit promettre d’en prendre soin et je décidai de ne jamais la quitter.

De retour à l’hôpital, je mangeai normalement jusqu’à la fin de semaine, où je repris une poche de sang en cachette pour la ramener chez moi. Je tins presque un mois sans la toucher mais je finis par la vider… A chaque fois, j’essayais de tenir plus longtemps, manquant parfois de sauter sur mes camarades d'entraînement lorsqu’ils se blessaient et devant systématiquement me retirer pour éviter de céder. Les séances de patinage avaient repris, me faisant quitter la ville où j’avais pu avoir des amis pendant une petite semaine et ma mère me poussait un peu plus à chaque entraînement. Elle assistait à tous mes entraînements et à la patinoire, il me semble que les autres enfants avaient peur d’elle...

Ma route en parcours Senior se poursuivait mais j’avais l’impression de ne plus aimer autant patiner. Je vomissais avant chaque compétition tellement j’étais stressé, même quand je gagnais, ma première réaction était le soulagement et non la joie… J’étais de plus en plus connu mais de plus en plus surveillé, pour donner une bonne image. Ma mère m’avait expliqué que la Fédération Japonaise de Patinage avait beaucoup d’attentes envers moi, à son plus grand bonheur, et elle m’avait payé des cours supplémentaires de maintien, d’expression, alourdissant un peu plus mon emploi du temps.

Par la suite, ma coach décida que m’entrainer au Japon n’était plus suffisant et il fut décider de m’envoyer au Canada. Personne ne me demanda mon avis...

Ice KingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant