Chapitre 12

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Mardi 10 octobre 2017

Le lendemain mon corps se réanima, perdu. Je ne parvenais pas à m'évoquer la manière dont je m'étais retrouvé dans mon lit, à dormir. Je n'avais plus eu d'absence depuis un temps.

Mes paupières s'entrechoquèrent à plusieurs répétitions. Mon corps me paraissait lourd, cependant les mathématiques qui allaient une nouvelle fois faire débuter ma journée de cours me motivèrent à me lever. Je m'étais jusqu'à lors amplement éternisé, par conséquent je me précipitai pour prendre un petit-déjeuner et me préparer.

Mon père était déjà parti emmener Julia à l'école. La maison était aphasique. Je sortis, fermant à clé la porte de celle-ci. Je me dirigeai dans la forêt, le terrain était gadoueux, mes chaussures s'enfonçaient dans des nappes de boue produisant des sonorités de clapotis sous mes pas. Il semblait avoir plu toute la nuit.

Une voix vint briser cette symphonie visqueuse.

« Nathanaël, attends-moi ! Tu marches tellement vite, j'ai eu du mal à te rattraper !

— Quentin ?! dis-je surpris.

— Pourquoi cette tête ? Tu n'es pas content de me voir ?

— Je pensais que tu étais mort, ou que tu étais une chimère de mon esprit.

— Quoi ? Pour quelle raison ? Je suis bien vivant... Pour longtemps encore, j'espère.

— Tu n'étais pas présent hier. Et je n'ai pas eu l'impression à un seul moment d'entendre parler de toi, même durant les appels en début de cours.

— Tu n'as simplement pas dû faire attention, et...

— Je n'avais pas de nouvelle non plus.

— Et... Oh, oui. Je voulais te répondre, mais en fait je n'en ai pas eu la force. En raccompagnant Mathilde chez elle samedi, il s'est mis à pleuvoir et à venter de façon imprévue, il faisait très froid. Peut-être ai-je absorbé un virus qui traînait par-là ? Tu aimes l'image de l'absorption du virus ? Bref, je m'égare, excuse‑moi ! Donc en rentrant chez moi je me suis rapidement senti faible, c'était étrange. Je ne sais pas de quel virus il s'agissait mais il ne semblait pas avoir un temps d'incubation très long ! Mais peut-être que ce froid soudain et mon mal-être n'étaient que pure coïncidence ! En tout cas, je suis rentré et me suis endormi immédiatement. Le lendemain je ne me sentais vraiment pas bien non plus. Aujourd'hui, ça va mieux ! Je suis désolé de t'avoir inquiété, je ne savais pas que tu te mettrais dans cet état. »

Mon esprit a toujours eu la déplaisante prédisposition à m'adresser des images et des pensées aptes à me rendre dément.

« Ce n'est pas de ta faute. » dis-je en reprenant la marche.

Quentin et moi marchions en direction du lycée, sans réelle controverse. Je ressentais son regard inquiet se déposer régulièrement sur moi.

Je me souviens de cette après-midi au bar, c'était la première fois que je passais un moment bienfaisant en compagnie d'individus de mon âge. Je comprenais que les êtres-humains poursuivent le contact amical. Cela créait des sensations agréables. Je me sentais bien avec eux. Ils sont authentiques et philanthropes*. Je ne souhaitais en aucun cas les perdre. Il me fallait m'ouvrir à eux, leur accorder ma confiance comme ils m'offraient la leur. Et, submergé par ces pensées, je ne compris pas à l'instant ce qui était en train de se constituer.

Mes tympans se mirent à bourdonner. Mon corps ne put s'empêcher d'être attiré par le bas et mon crâne heurta le sol. Un bruit sourd inopiné sembla résonner jusqu'au ciel : je venais de me crasher au sol. Je ne détenais plus aucun dynamisme. J'étais en sursis sur le sol, privé de l'usage de la motricité et de la parole. Mes yeux étaient grands ouverts, presque fixes. J'apercevais le faciès paniqué de Quentin au-dessus de mon visage, ne sachant pas comment me venir en aide. Dans un dernier élan de force, je lui indiquai de mon index la poche avant de mon sac se trouvant à mes côtés, entraîné par ma chute. Je le vis se précipiter sur celle-ci. Il y fureta avec empressement, ne sachant pas ce qu'il devait trouver. Sa respiration était saccadée, il semblait s'asphyxier avec son propre oxygène. Il finit par trouver une petite trousse dissimulée dans la poche, il l'ouvrit et en sortit une carte médicale. Il me regarda, stupéfiait.

« Que dois-je faire avec ça Nathanaël ?! Dis-moi ce que je dois faire ! Pourquoi tu ne parles pas ?! »

Il était secoué de tremblotements. Je le vis se concentrer afin d'être opérationnel. Lorsque l'un de nos proches est en danger, nous réagissons très souvent au quart de tour et c'est là que nous sommes le moins efficace.

Il regarda de nouveau la carte et lut son verso. Il comprit.


*Personne qui a pour but d'améliorer la vie de ses semblables.

« Nathanaël. »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant