CHAPITRE VII : Andrea

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YRRYHSA

Son frère était devenu livide en un clin d'oeil et ses lèvres tremblaient. Le sourire d'Andrea ne fit que s'élargir un peu plus. Cet idiot n'avait jamais su dissimuler ses émotions et elle détestait cela. Pourquoi avait-elle dû être la deuxième ? Cycéronn était tout à fait le type d'homme qui lui plaisait, mais Camillee était sortie du ventre de sa mère avant elle. La seule bonne chose qu'elle retirait de ce mariage arrangé c'était qu'elle pourrait facilement se servir de Thomas à ses propres fins... même si elle n'en désirait qu'une.

_Co... comment ça ? bredouilla Thomas, les poings serrés. Je croyais qu'on ne se marierait que dans quelques années !

_Les parents voulaient cela, rappela Cycéronn en se détournant de son frère. Mais ils ne sont plus là.  Vient, Camillee, j'ai à te parler.

Ensemble, ils quittèrent l'austère entrée pour disparaître dans un des nombreux couloirs. Quand le bruit de leurs pas fut estompé, Andrea se dirigea à grande enjambées vers son frère.

_Tu n'es point content, Thomas ? fit-elle avec un sourire tordu.

Elle allait poser une main sur l'épaule de son frère mais celui la repoussa sans ménagement.

_Tu sais très bien ce que je pense de tout ça, Andrea ! Ne me pousse pas à bout ! C'est toi qui lui a demandé ? Qu'est-ce que ça t'apporte ?!

Le sourire d'Andrea s'effaça.

_Je n'ai rien demandé du tout, mentit-elle.

Si il avait idée de ce qu'elle préparait, son frère serait glacé d'effroi. Mais, pour le moment, mieux valait qu'il pense que la décision venait de son aîné. C'était l'empereur d'Yrryhsa après tout ; qui oserait lui répondre ? Même Thomas n'était pas assez idiot pour remettre ses décisions en questions. Thomas l'affronta du regard encore quelques instants puis, furibond, tourna les talons et quitta l'entrée à son tour. Andrea inspira longuement et jeta un coup d'œil par les grandes portes battantes. La cour était en effervescence avec la plupart des soldats revenus de la guerre et leurs montures. Un camp avait été construit à l'entrée de la Forteresse d'Edmür pour les dernières remises en ordre mais les  batailles contre les barbares du nord avaient pris fin. Elle chercha du regard un homme, grand et large d'épaules, les cheveux bruns regroupés en queue de cheval et qui portait l'insigne d'un lieutenant. Mais elle ne le trouva nulle part.

_Il doit déjà y être, conclut-elle avec un mince sourire.

Elle quitta l'entrée, s'enfonça dans de nombreux couloirs où elle croisa quelques servantes qui baissait la tête à son passage, puis atteint une nouvelle salle. Elle ouvrit doucement la porte qui émit un grincement ténu. Elle entra dans les appartements et, avant même qu'elle n'ait pu refermer la porte derrière elle, une voix s'éleva, pleine de force et un peu rocailleuse.

_Même ton frère a cessé de venir me voir... il n'y a plus que toi, Andrea.

Andrea ferma la porte et se tourna vers sa grand-mère. Cela n'avait rien d'une plainte, elle le savait. Sa grand-mère préférait mille fois le calme de la solitude qu'une discussion animée avec Cycéronn, fût-il son petit-fils, mais même lui avait cessé de venir. Quant à Camillee et Thomas, ils n'avaient jamais semblé apprécier leur grand-mère et ne s'étaient jamais inquiétés depuis qu'elle s'était retranchée dans ses appartements. Seule Andrea continuait de la voir régulièrement.

_J'ai besoin de tes conseils, merî, supplia Andrea en s'asseyant près de sa grand-mère, à même le sol lustré et froid.

Sa grand-mère, quant à elle, était depuis longtemps obligée de rester sur un fauteuil rembourré de velours bleu. Ses vieilles jambes ne la supportaient plus mais, si son corps vieillissait, son esprit restait aussi vif et aiguisé que dans sa jeunesse.

Les Six DerniersWhere stories live. Discover now