Chapitre 24 : rouge de fin d'année.

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(je n'y connais pas grand chose, mais ce chapitre peut peut-être heurter votre sensibilité si vous êtes suicidaire ou dépressif. Je n'en sais rien, honnêtement, mais je préfère prévenir...)

   TOUT LE long de mon séjour à l'hôpital, j'avais fait tourner la même musique en boucle. Si bien que j'en connaissais chaque parole, chaque note. 

   J'avais lu Zouck. Cinq fois. Je commençais à connaître chaque réponse, chaque belle phrase. Mais pour m'en souvenir, je les écrivis sur mon téléphone.

   Tout les jours, je parlais avec la fille du docteur Loizeau, Astrée. Elle s'ennuyait beaucoup, pendant les vacances, alors elle venait à l'hôpital avec sa mère pour parler avec les patients.

   Les cheveux corbeaux de sa mère, des yeux entre le bleu et le vert et une peau de porcelaine. Le genre de jolie fille un peu trop discrète.

   "J'ai pas vraiment d'amis, tu sais, m'avait confié Astrée devant la machine à café."

   Elle venait de s'offrir un chocolat chaud et avait proposé de payer le mien. J'avais décliné l'offre.

   "A ton avis, si je te parle, j'en ai beaucoup ?

   - Toi, t'es à l'hôpital, c'est pas pareil. Ca leur fait peur, aux gens, l'hôpital. Moi, j'ai aucune excuse. 

   - Ca empêche pas. Moi je te dis, des amis, je crois que j'en ai plus. C'est parce que je suis malade."

    Astrée sourit tristement et sortit quelque chose de la poche de sa robe.

   "Tiens, c'est pour ton anniversaire. Avec un jour de retard. Désolée."

   J'ouvris le petit paquet et trouvais une paire de boucles d'oreilles en argent. Elles représentaient deux croissants de lunes.

   "Merci beaucoup, Astrée, murmurais-je, réellement touchée."

   Je savais que ce n'était qu'une amitié éphémère. Mais le geste, lui, me touchait de l'intérieur. 

    Lorsque je fus finalement de retour chez moi, pour les fêtes de fin d'années, mon premier réflexe fut de les enfiler. Je ne jetais presque aucun regard à mon miroir, dégoûtée du temps que j'avais pu passer devant.

   Toujours pas de nouvelles de Mathilda. Elle devait attendre que je fasse le premier pas, regardant son téléphone tout les trente secondes pour y voir une notification de moi, puis le reposais, le menton haut, les sourcils dédaigneux. Peut-être, après tout, qu'elle était avec une autre fille. Ca me faisait un peu de mal, d'y penser, mais je savais très clairement que je n'étais pas amoureuse d'elle.

   J'avais été emportée dans les tourbillons tumultueux de son amour destructeur. Contrairement à Midas, tout ce que Mathilda touchait se détruisait. Je n'avais aucun compte à lui rendre. 

   Je mis un rouge à lèvres vif, un gros pull et un pantalon noir. Maintenant, tout ces vêtements amples, c'était pour faire taire les remarques. 

   Tout embaumait. Ma mère était aux fourneaux depuis ce matin pendant que mon père passait l'aspirateur. Il avait acheté des fleurs blanches, le sapin clignotait et faisait reluire le papier argenté des cadeaux.

Tony aidait ma mère en se déhanchant sur la musique des Beatles ; en proie à la bonne humeur. Il me prit la main pour m'emporter dans une danse entre la valse et le jazz. C'était bien Tony, ça. 

   Je me forçais à sourire. Tout était plus facile quand on faisait semblant. Il suffisait de croire qu'on pouvait sourire, qu'on pouvait être heureuse. Et, je le savais, que Tony faisait semblant d'être heureux. Que ma mère faisait semblant aussi. Et vu la dose d'alcool que mon père s'était servi, il devait se rendre heureux exprès. 

Dernière valse.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant