Chapitre 16 : refaire le monde.

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LE SAMEDI suivant, à l'heure prévue lors d'une conversation Facebook entre deux révisions, je retrouvais Charles. Il attendait sagement, le nez sur son portable.

« Raph, t'es là, fit-il d'un air satisfait.

— Oui, j'allais pas te poser un lapin.

— Je m'en doutais. »

Il me laissa échapper un sourire. Dieu qu'est-ce que ça me manquait d'avoir un copain à qui entremêler mes doigts dans les siens, sentir le parfum entêtant de son cou et les mèches rebelles sous ma joue, de sentir les doigts caressants ma peau ; parce qu'avec Mathilda, la situation n'était pas claire. Quelques baisers, un échange de mots et une belle dispute. Des je t'aime perdus.

Pas que Charles me plaisait, juste que je me sentais seule. Non. J'étais seule.

« Pourquoi tu me regardes comme ça, Raph?

— Je suis contente qu'on soit ami, toi et moi...

— T'as pas l'air super convaincue. »

J'inspirais et expirais lentement.

« Je sais pas si je sors avec Mathilda Angelin, lâchais-je rapidement sans prendre de gants. »

Si Charles avait été un ordinateur à cet instant, ça aurait été un écran noir avec 'ERROR 404'.

« J'en sais rien, c'est trop compliqué !

— Eh bah ça pour une surprise mon con... »

Il resta comme ça à me scruter curieusement ; je me sentais comme un morceau de viande qu'on tâtait sur le marché, sauf que la seule pression qu'il exerçait sur moi était celle de son regard.

« T'es heureuse avec elle ?

— Je sais pas, j'y comprend genre...rien. Vraiment rien. Je peux pas être amoureuse d'elle, je l'ai toujours détestée et je...je sais pas ! Je panique totalement ! »

Charles posa sa main sur mon bras avec un demi-sourire.

« Eh, calme toi, ok ? C'est rien.

— Bien sûr que non c'est pas rien je me sens totalement seule et...

— Et moi je suis là, regarde. Tu veux un câlin ? Bim, je suis là aussi, vraiment pratique d'avoir des amis. »

   Il éclata d'un rire nerveux.

   « Je suis content que tu m'en parles. »

   Mon faible sourire ne fut pas très convaincant. Il plissa les yeux avant de voir les miens, embués.

   « Oh, Raph, on a dit qu'on pleurait pas pour les garçons. On va pas pleurer pour les filles non plus ! Personne ne mérite tes larmes, va. »

   Il se tourna vers moi et me serra dans les bras. Je commençais à sangloter comme une petite enfant.

   « Là, ça va aller...

   — Non ça va pas aller du tout, je suis toujours aussi perdue !

   — On va commencer à courir, tu vas te sentir mieux. Et après on ira se boire un bon chocolat chaud, ok ? »

   J'eus envie de vomir. Non, pas ok. Est-ce que Charles était comme les autres ? Est-ce qu'il voulait me faire grossir, m'engraisser, comme ils le faisaient tous ?

   « J'aime pas trop le chocolat chaud...

   — C'était juste une manière de dire "on va prendre quelque chose de chaud", tu commandes ce que tu veux, répondit Charles, désabusé. »

Dernière valse.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant