26-Clyde

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«C'est ça, la confiance, on peut trahir pour une bonne raison. N'empêche, ça reste une trahison.»

-Harlan Coben.


On promet toujours plus, toujours trop.

Je ne dis pas que les gens mentent, mais ils se fourvoient. C'est vrai, finalement, qui peut prédire l'avenir, qui peut promettre une chose sans savoir ce qu'il se passera demain, ou dans dix jours, ou dans dix ans?

Rien n'assure que le mari aimera éternellement sa femme ou que la mère verra grandir son enfant. Parfois, ça se passe autrement, parce que les gens meurent aussi, ou se trompent, ou encore s'en vont. Il arrive malheureusement, que le mari rencontre sa jeune et nouvelle secrétaire et que la mère tombe gravement malade; dès lors, les promesses s'envolent.

C'est pour cela que je n'ai jamais rien promis, c'était trop risqué, trop dangereux dans le monde dans lequel je vivais, je refusais de dire que je donnerais tout à quelqu'un, sans savoir si je vivrais demain.

Quand Eleanor est entrée dans ma vie, j'ai dû changer d'opinion, de point de vue, prendre une décision. Malgré moi, je pouvais choisir de garder le contrôle, ou bien la choisir elle.

C'est elle que j'ai choisi.

Mais voilà, même si je l'aime -et je le jure- ça me tue. Car je ne suis pas sûre de pouvoir lui apporter ce dont elle a besoin, je ne sais pas si je pourrais la sauver, des autres en partie, d'elle-même surtout. Je ne peux pas lui promettre cela, peu importe à quel point je l'aime.

Et rien ne m'assure non plus, qu'elle m'aimera toujours, rien ne m'assure qu'un jour, elle ne partira pas. Peut-être qu'elle s'en ira, elle prendra la porte et je resterai là, sans savoir si je survivrai, ou si elle survivra.

Je ne suis pas sûre que l'amour ait la faculté de tout résoudre.

Plus maintenant

Le regard d'Eleanor, les yeux ouverts d'effrois, dérivant lentement de mon visage aux lettre que je tenais dans la main, me frappa de plein fouet alors que mes poings se crispaient. Elle m'avait menti, bien-sûr qu'elle avait menti, depuis le commencement, depuis le jour où je lui avais demandé ce qui avait changé.

-Tu m'as dit que c'était une intuition, que le fait que tu sois liée à la mort de tes parents était juste une putain d'intuition, tu me l'as promis, articulai-je au ralenti, en prenant conscience de chaque mot.

Elle trembla légèrement en regardant autour d'elle, paniquée.

-Il y a une explication, conclu-t-elle seulement, le visage empreint de désarroi.

-Suis-je bête, bien-sûr qu'il y a une explication, déclarai-je ironiquement en faisant de grands gestes avec les bras, Laquelle? je suis tout ouïe, je t'écoute! Développe, vas-y, exprime-toi, m'énervai-je en croisant les bras sur ma poitrine.

Elle tapa nerveusement ses doigts contre la porte en bois, embarrassée

-Je ne peux pas, déclara-t-elle.

-Pardon, cria-je soudainement en me rapprochant alors qu'elle sursautait, Tu ne peux pas, tu ne peux pas?! Merde, Eleanor, tu m'as promis, tu m'as menti, ouvertement, tu m'as regardé dans les yeux, tu m'as trahi et maintenant, tu dis que tu ne peux pas m'expliquer pourquoi. Je t'ai raconté ma vie, je t'ai dis des choses que je n'avais jamais confié à personne, avant ce soir, et toi, tu ne peux pas?! Qu'est ce que je représente, Eleanor, pour toi, pour que tu me laisses tomber ainsi, qu'est ce que nous deux ça représente?

Ma voix se brisa sur cette dernière phrase alors que je posais mon bras contre le mur, réduisant à néant ses chances de s'échapper.

-Le soir où tu m'as demandé... Où tu m'as posé la question à propos du rapport entre moi et la mort de mes parents, commença-t-elle prudemment,  Nous n'étions pas seuls, on était dans la cuisine, et il y avait... Jared.

Elle semblait relativement nerveuse, ce qui me stupéfia, depuis notre rencontre dans cette ruelle sordide, je ne l'avais jamais vue bouleversée, pas ainsi du moins

-Et alors? Que crains-tu? Tu ne penses tout de même pas qu'il est impliqué, qu'il ait un quelconque rapport avec Monsieur D. Et même si c'étais le cas, tu aurais eu un milliard d'autres occasions de m'informer après ce soir-là quand nous étions seuls, développais-je en désignant les lettres, Alors pourquoi Eleanor, pourquoi n'as-tu pas..., commençai-je avant de m'interrompre subitement.

Je m'éloignaient brusquement d'elle, en ouvrant de grands yeux, à mesure que je faisais face aux faits qui s'imposaient à moi, à mesure que les pièces s'assemblaient une à une.

-Oh mon Dieu, réalisai-je à voix basse, Ce n'est pas uniquement de Jared que tu doutes, c'est aussi de moi. Tu as peur que ce soit moi Monsieur D., tu envisages que ça puisse être le cas, ou alors qu'il soit un de mes amis, un allié. Tu penses que je joue un double jeu, même après ce soir, même après tout ce que je t'ai avoué. Tu ne m'as jamais fait confiance.

Elle releva les yeux vers moi en faisant un pas, mais je reculais à mesure qu'elle approchait.

-Clyde, souffla-t-elle en se figeant devant ma révulsion, Clyde, s'il-te-plaît, crois-moi, je te fais confiance, j'ai voulu tout avouer, tout te dire, tellement de fois. Mais ces lettres, elles n'ont pas d'importance, elles n'ont n'en jamais eues, parce que, peu importe qui est Monsieur D., je sais qu'il n'a rien à voir avec toi, ce n'est pas toi, ça ne l'a jamais été.

-Eleanor, demandai-je d'une voix blanche, Est-ce que tu as envisagé que ça pouvait être moi, l'as-tu pensé au moment où tu m'as menti dans cette cuisine, ce soir-là. T'es-tu dis que je pouvais être lui, t'es-tu posé la question?

Les muscles de son visage se tendirent alors qu'elle bougeait nerveusement les doigts, le regard dévasté.

-Clyde, ne m'oblige pas à répondre à ça, me supplia-t-elle dans un murmure, Parce que tu connais déjà la réponse.

Je fermais les yeux, la sensation qui m'envahissait était similaire à celle d'une brûlure à vif. C'est comme quand on est gamin et qu'on apprend que ce n'est pas le père Noël qui met les cadeaux sous le sapin ou la petite souris qui glisse une pièce sous l'oreiller. C'est semblable à ce sentiment de détresse qui nous submerge quand on comprend que papa couche avec sa secrétaire et que maman ne survivra pas à son cancer. C'est brutal et violent, désarmant, car on ne sait, ni quoi faire, ni comment s'en sortir. Il n'y pas beaucoup de façon de réagir à une trahison, quelle qu'elle soit, en fait il y en a seulement trois; on peut pardonner, se venger ou s'en aller.

J'avançais lentement  vers elle, lui plaquant brutalement, au passage, les lettres sur sa poitrine, avant de quitter la pièce, pendant qu'une larme dessinait son chemin le long de ma joue.

-J'aurais aimé que tu me fasses confiance, exposai-je calmement avant de fermer la porte, Moi, j'avais confiance en toi.

IndoloreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant