30/09

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J'ai grandi. Diable, ce que je me suis mise à détester ces mots. Toi aussi tu les détestais, tu voulais qu'on reste enfants pendant toute la vie.

C'est la première fois que je m'adresse à toi depuis une dizaine d'années. À te parler, j'pourrais presque retourner jouer avec mes tournures de mauvaise poète et mes syllabes mâchées.

Je ne sais plus qui a eu l'idée de retourner passer une journée chez mes parents, si c'est moi, si c'est eux, si c'est Charles. En tout cas, c'est grâce à Ophélie qu'on s'est retrouvé là bas pour de bon, elle avait envie de quitter la ville et de se tirer à la campagne. Cette gosse ne vit que pour les vacances durant lesquelles elle peut se tirer. Le reste du temps, elle piétine sur ses journées.

Je ne sais pas non plus quoi, dans mon esprit, m'a poussé à retourner vers ma vieille chambre. Elle n'avait pas bougé, pas d'un cil. Tout était là, mal rangé, entassé, empilé, accroché aux murs. C'était comme entrer dans une cité en ruine, et chacun de ses édifices me rappelait l'être sauvage qu'un jour, j'avais été.

La poussière s'accrochait à mes collants et la semelle fine de mes talons noirs laissait des empruntes lorsque je posais le pied au sol, comme les traces d'un renard dans une neige fraîchement tombée.

Les souvenirs sont apparus devant moi, petits bonshommes de porcelaine qui se tenaient la main. Leurs yeux creux surgissaient de tout les recoins ; le lit, le bureau, l'étagère, l'un se cachait même dans la caisse de ma vieille guitare. Ils ont vite grimpé à l'intérieur de mon crâne, et tous sans exception, hurlaient ton nom.

Je nous ai revus, 17 ans et nos sourires, affalés dans tout les coins, affalés dans toutes nos rêveries. Mille soupirs m'ont attaqués la poitrine quand mes vieilles années laissées de côté ont ressurgit comme le brouillard d'un matin d'hiver. Imprévisible, indomptable, mais doux à la fois.

Sur le bas côté de mon bureau qui sent le vieux et le passé, j'ai retrouvé une feuille pliée en quatre. Elle frémissait de vie, et j'ai découvert les traits d'une période révolue. C'était toi, tracé par moi, pour l'amour de nous.

Un dessin d'enfant. Un art que je n'exerçais plus depuis longtemps.

Ophélie m'a rejoint, elle m'a demandé pourquoi je pleurais. Je n'avais même pas remarqué que des larmes froides dévalaient mes joues. J'ai glissé le dessin dans ma poche, et j'ai pris sa petite main. Elle voulait pas que je pleure, et moi, je me suis dis qu'elle avait un joli prénom, Ophélie.

Au final, t'avais jamais vraiment quitté mes pensées.

nos cœurs ne chantent qu'à l'aubeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant